Peut-on être fit mais en mauvaise santé ?

Les termes « santé » et « fit » sont souvent utilisés de manière interchangeable. Il faut toutefois en proposer deux définitions bien distinctes :

Santé : un état de bien-être complet, mental, social et physique, dans lequel tous les systèmes corporels (nerveux, hormonal, immunitaire, digestif, etc.) fonctionnent en harmonie

 

Fit : la capacité à effectuer une tâche physique spécifique, qu’il s’agisse d’activité physique ou de sport

 

Parmi nos amis sportifs, une partie adhère à la fameuse philosophie du « no pain, no gain » et se pousse fréquemment dans ses retranchements. On peut alors parfois observer des soucis d’ordre physique, biochimique et/ou mental-émotionnel, comme ceux-ci-dessous.

 

Catégorie Symptômes
Physique

Diminution des performances

Douleurs musculaires/raideur/fatigue

Fatigue générale persistante

Bradycardie et altération de la variabilité de la fréquence cardiaque

Déséquilibre du système autonome (y compris cardiaque)

Maladies : asthme, maladie de la thyroïde, maladie des surrénales, diabète, carence en fer avec ou sans anémie, hypertension

Biochimique

Stress oxydatif excessif

Sensibilité accrue aux infections virales, bactériennes et autres

Inflammation

Malnutrition

Déséquilibre hormonal

Réduction des taux de glycogène musculaire

Mental-émotionnel

Troubles de l’alimentation

Dépression

Insomnie

Humeur/comportement perturbé

Perte de motivation

Concentration réduite

Anxiété

 

À ceux présentant des combinaisons de ces problèmes, notamment sur la durée, on attribue alors l’étiquette du syndrome de surmenage ou de surentraînement.

Les origines de ce phénomène varient considérablement selon les sportifs, notamment selon leurs antécédents, la capacité d’entraînement (loisirs, non élite, élite), l’âge et le sexe, le sport (sollicitations aérobies et/ou anaérobies), les prédispositions génétiques, les circonstances sociales, les conditions environnementales, les habitudes comportementales (dont la nutrition et l’entraînement) ou encore les soins médicaux.

Au-delà de cette diversité, il se pourrait toutefois que 2 facteurs principaux soient la cause de tous les maux (ou presque), en entrant en conflit avec notre disposition génétique :

  1. L’intensité de l’entraînement
  2. Le régime alimentaire moderne

 

C’est en tout cas la thèse récemment défendue par Philip Maffetone et Paul Laursen (voir référence).

 

Pour étayer cette idée, l’argumentaire des auteurs s’ancre dans nos origines en tant que chasseurs-cueilleurs et, plus précisément, l’utilisation par nos ancêtres de leurs ressources de lipides. Pendant environ 84 000 générations en effet, nous avons eu besoin de marcher, courir lentement, nous reposer et faire quelques sprints.

Or, les progrès technologiques spectaculaires réalisés par les révolutions agricole (350 générations), industrielle (7 générations) et numérique (2 générations) ont confronté cette population génétiquement adaptée à la vie de chasseur dans la nature à un monde de haute technologie, généralement sédentaire, suralimenté et émotionnellement stressant – avec une infime partie réalisant à l’inverse de très hauts volumes d’entraînement.

 

La tendance naturelle de notre corps est ainsi de puiser une grande partie de son énergie des lipides stockés – plusieurs milliers de kcal même chez les individus les plus maigres. Les fibres « lentes » de nos muscles sont d’ailleurs connues pour entrer en jeu lors d’exercices peu / modérément intenses, et ainsi s’entraîner sur des périodes longues avec moins de fatigue. De façon moins connue par contre, ces fibres jouent aussi (surtout) un rôle clé dans la santé de nos squelette et articulations, la vascularisation et l’activité antioxydante.

 

Cependant, le régime alimentaire actuel est riche en glucides raffinés – que de nombreux athlètes croient à tort nécessaires pour améliorer leurs performances. En fait, à court terme, qu’ils soient sous forme de sucre ou de farine raffinée, les glucides raffinés peuvent altérer le taux d’oxydation des lipides et contribuer à la production d’inflammation et de douleur. Dans la durée, ils peuvent même induire une hyperinsulinémie et des inflammation chroniques, synonymes donc d’un moindre état de santé.

 

Maffetone & Laursen soulignent ainsi que si divers maux peuvent être rapprochés de l’entraînement et de la nutrition, derrière ces 2 notions c’est bien l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et le système nerveux autonome qui jouent des rôles clés. Des rôles clés dans les niveaux de stress supportés par l’organisme. Et donc des rôles clés dans les processus d’adaptation ou, à l’inverse, de survenue d’anomalies à différents niveaux.

 

Fit unhealthy Figure

 

 

Grâce à Lepape-info, on sait pourquoi un stress physiologique temporaire est nécessaire à l’organisme pour qu’il récupère et s’adapte. On sait aussi qu’une intensité et/ou un volume d’entraînement inapproprié, en particulier s’ils sont combinés à un régime alimentaire riche en glucides raffinés, peuvent entraîner des inflammations avec des symptômes allant de la tendinite aux maux psychologiques.

Face au constat que l’on peut donc effectivement être fit mais en mauvaise santé, ce sont les exercices à basse intensité ainsi que les glucides sains qui sont promus par les auteurs.

 

Tous deux sont en effet capables d’élever le niveau d’oxydation des lipides par l’organisme. Tous deux sont aussi largement considérés dans la fameuse méthodologie d’entraînement du 80/20 pour les performances d’endurance.

 

Comme un rappel éclairé, aux auteurs de conclure ainsi que « praticiens, entraîneurs et athlètes devraient (…) envisager des périodes d’intensité d’entraînement réduite et de récupération tout en mettant l’accent sur une alimentation naturelle et non transformée pour améliorer la santé et cultiver une forme physique durable (car) pour des performances optimales, le sportif doit être fit ET en bonne santé. »

 

Source : Maffetone & Laursen. Sports Medicine-open, 2(1), 24, 2016