Dans l’article « Comment traiter les douleurs du tendon d’Achille ? », nous évoquions les procédés thérapeutiques qui sont à la disposition du monde médical pour aider un patient qui souffre d’une tendinopathie d’Achille.
Tentons maintenant de comprendre la responsabilité et donc l’incidence thérapeutique de la chaussure de course et autres corrections plantaires, types semelles ou orthèses plantaires.
Rappelons, comme nous l’avons déjà dit, que l’on ne comprend pas bien, pour le moment, la maladie tendineuse. Un tendon qui souffre, subit un changement plus ou moins rapide de sa morphologie (augmentation de la taille, modification de la structure fibrillaire, …) et un trouble de vascularisation (apparition de vaisseaux que l’on ne détecte pas dans un tendon normal). Mais, à ce jour, il existe plus d’interrogations que de certitudes sur les causes et donc les solutions thérapeutiques pour cette pathologie tendineuse chronique.
Ces éléments nous poussent tous (médecins, kinésithérapeutes, podologues, techniciens, sportifs, …) à beaucoup d’humilité même devant une maladie banale telle que la douleur du tendon d’Achille du sportif.
Les chaussures de sport ont-elles une responsabilité sur une douleur achilléenne ? Cette question peut paraitre provocatrice car la cause est entendue (la réponse est « oui ») par de nombreux acteurs du monde de la course à pied. C’est une idée reçue qui prête peu à discussion.
Loin de moi l’idée de dire que les chaussures ne sont pas importantes :
- Bien évidemment, il faut avoir des chaussures de qualité dans lesquelles on se sent bien. Cette notion est capitale : la bonne sensation, c’est personnelle et le vendeur n’en sait absolument rien !
- Bien évidemment, il faut changer progressivement de chaussures ou de « style » de chaussures (rappelez-vous, l’organisme a horreur du changement).
Mais il faut relativiser car il existe une pression marketing très marquée.
Un peu d’histoire…
Lorsque dans les années 70, la course à pied est devenue franchement populaire et citadine, on a vu apparaître de nouvelles pathologies, notamment, sur la chaîne postérieure, des sportifs : c’est-à-dire le tendon d’Achille, et/ou le triceps sural (mollet), et/ou les ischio jambiers (muscles à l’arrière de la cuisse), et/ou la région lombaire (le bas du dos).
Or la médecine du sport était naissante, sans recul sur ces nouveaux sportifs et cette floraison de nouvelles plaintes.
De plus, les techniciens-entraîneurs, souvent issus de l’athlétisme « pur », étaient également novices sur cette nouvelle pratique de course sur route et de longues distances.
Enfin, les chaussures pour ce type de course n’existaient pas (on courait « en basket » !)
Rappelons simplement que lors du premier marathon de New York, en 1970, il y avait 127 coureurs au départ et 55 à l’arrivée ! Des héros !
Bref, on part de rien et un phénomène mondial se crée en 10 ans. Le sport de masse mais aussi de haut niveau (le marathon est et reste une « épreuve » pour l’organisme) s’impose à la société occidentale.
Les premiers qui ont vu et su comprendre ce phénomène, sont les marques de sport. Parties de rien mais aujourd’hui devenues des firmes importantes, elles ont compris qu’il fallait chausser ces nouveaux sportifs. Elles ont créé une chaussure spécifique sur une théorie imposée par leurs biomécaniciens : s’il existe des douleurs de la chaine postérieure, il faut amortir la foulée du coureur sur route (le macadam n’est pas « tendre ») lors de l’attaque du talon.
Tout est dit. Et l’ensemble des intervenants du sport a accepté ce concept et cette théorie, non dénuée de bon sens, il est vrai.
C’est parti : ici de l’air, là du gel, … dans le talon de la chaussure de course pour amortir les chocs. Grace à un marketing très efficace, les spécialistes ont majoritairement accepté cette hypothèse biomécanique. D’ailleurs, certains médecins ou podologues ont même « surjoué » en prescrivant, en plus de la chaussure spécifique, des semelles amortissantes, rajoutant de l’amorti à l’amorti !
Outre l’amorti, on savait depuis longtemps que l’on soulageait, détendait, le tendon d’Achille en surélevant le talon. Donc tout semblait idéal et pendant des années, la solution quasi systématique à toutes douleurs du tendon d’Achille était des chaussures plus amortissantes et le port d’une orthèse plantaire. Cette semelle ayant souvent deux objectifs : également amortir mais aussi détendre la chaine postérieure (épaisseur de la partie postérieure de l’orthèse).
Malheureusement, aucune étude scientifique n’a vraiment validé cette hypothèse séduisante.
De plus, les études de cohorte (populations de coureurs à pied, dans ce cas) ne semblent pas montrer une diminution, avec les années, des pathologies de la chaîne postérieure (Achille, mollet, dos), malgré « l’amélioration » des chaussures de course et /ou le port de semelles orthopédiques.
Alors info ou intox ?
Compte tenu de la persistance de très nombreuses pathologies achilléennes dans la course à pied, ne faut-il pas envisager une autre théorie ou concept biomécanique ? Pourquoi ne pas faire confiance au naturel, à savoir le propre amorti que peut réaliser le sportif lui-même ?
Explications : plus il existe un amorti au niveau du talon, plus le coureur attaque le sol avec le talon … puisque la chaussure le lui permet. S’il n’existe pas cette « protection » du talon, le coureur ne peut pas attaquer par le talon et, de ce fait, doit utiliser son amorti naturel à savoir une attaque plus antérieure (médio et avant pied).
Cette explication est diamétralement opposée, au niveau biomécanique, à ce qui nous a été proposé, depuis 30 ans, par les grandes marques de chaussures de sport. Cette hypothèse entraîne beaucoup d’interrogations :
- Sur la technique : ne plus attaquer avec le talon ? Comment, puisque les chaussures de sport nous ont « autorisés » à la faire ? Faut-il se « rééduquer » et apprendre une nouvelle technique de course ? L’organisme peut-il s’habituer à ce changement radical ?
- Sur l’étude de la foulée : il n’y a plus aucune importance à savoir si on est pronateur, supinateur ou pas ? Pourtant cette théorie a fait et fait beaucoup parler.
- Sur la pente de la chaussure : que reste-t-il de la fameuse pente talon-orteils s’il n’est plus besoin de surélever l’arrière pied ?
Cela fait beaucoup de choses à la fois. Beaucoup d’idées reçues, de certitudes qui s’effritent.
Mais ce concept fait son chemin dans le cadre du « bare foot » (courir pieds nus) et des chaussures minimalistes qui commencent à être bien connues. Le marketing étant plus fort que tout, nul doute que les mêmes firmes vont nous venter l’intérêt du minimaliste avec la même fougue que l’amorti du talon.
Bien évidemment, comme toujours, la vérité doit être entre les deux. Résumons :
- Le coureur qui va médicalement bien, qui ne souffre d’aucune pathologie, doit continuer à courir, comme il l’a toujours fait, avec son style de chaussure, sa marque, … Tout va bien, on ne change rien et surtout on ne suit pas les nouvelles modes ou les bons conseils des « spécialistes ».
- Le coureur que se plaint depuis quelques semaines, mois ou années d’une tendinopathie achilléenne (ou de douleurs des mollets, du bas du dos, …) et qui n’est pas améliorée par les différents traitements proposés (cf. article sur le traitement médical des tendinopathies) peut se poser la question d’un changement de technique de course et donc de « style » de chaussure.
Pour celui là, pourquoi ne pas revenir au naturel : point d’étude de la foulée chez le podologue, point d’amorti sous le talon, point de semelle, … mais entreprendre progressivement un retour aux sources : courir en minimaliste (car courir pied nus, encore plus naturel, c’est prendre un risque certain de blessure cutanée). La foulée devra être plus courte, plus fluide, avec un cycle avant, et plus rapide … Il s’agit d’une véritable rééducation donc peut être d’un « traitement ».
Le débat est lancé et observons sereinement les arguments des anciens et des modernes. Nul ne détient la vérité et comme il a été déjà dit, il faut beaucoup d’humilité et reconnaître, pour le moment, une certaine ignorance sur de nombreuses maladies notamment sur les pathologies chroniques de la chaîne postérieure du coureur à pied.
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