piste

Si le cardiofréquencemètre est un outil extraordinaire et indispensable pour la conduite de l’entraînement, s’entraîner sur la base des fréquences cardiaques est relativement complexe. En effet, les indications relatives à un pourcentage de la fréquence cardiaque maximale (FCM ou FC Max) pour travailler sur des allures spécifiques doivent être prises en compte avec quelques précautions.

Tout d’abord, parce que ces indications sont des données générales valables de manière générale pour un type ou un groupe d’individus précis. Elles ne sont pas nécessairement valables pour tel ou coureur car les valeurs de Fréquence Cardiaque pour guider les allures d’entraînement (allure marathon ou au seuil, allure semi-marathon…) doivent être des valeurs individuelles qui dépendent de nombreux facteurs. La plupart de ces indications viennent souvent d’une vulgarisation de données scientifiques peu ou non maîtrisées et d’une méconnaissance des intérêts et limites de l’utilisation de la Fréquence cardiaque à l’entraînement.

Par exemple.
Très fréquemment, on estime que le débutant ou le coureur moyen est un « champion en réduction » et qu’il doit donc être en dessous des valeurs du champion. Si le champion court le marathon avec des Fréquences cardiaques à 165 pulsations /minute alors le coureur moyen doit être plus bas en fréquence cardiaque or c’est exactement l’inverse.
Cette approche a prévalu longtemps en milieu scolaire au niveau des allures de ce qu’on appelle l’endurance et où des valeurs de 120 /130 pulsations minutes pour des efforts ont été recommandées. C’est là aussi une mauvaise approche.

Balayons donc quelques éléments théoriques

  • La FC MAX

Pour déterminer une FC MAX, il faut faire un effort épuisant nécessitant un engagement maximal de l’individu. On peut arriver à FC MAX après un effort d’une minute pour un sprinter, 5 mn pour un coureur de 1500 m ou 40 mn pour un coureur de 10 000 m… Alors comment guider un entraînement à partir d’une valeur qu’on peut obtenir par plusieurs voies ?

On sait par ailleurs que la FC MAXIMALE n’a aucun pouvoir prédictif sur la performance ni sur les capacités aérobies d’un individu. La prendre comme élément de base de construction d’un système d’entraînement n’est donc pas efficace (même si elle correspond à une vitesse aérobie maximale).

  • La dérive cardiaque

A la fin d’un effort prolongé, la Fréquence Cardiaque, en réaction à des phénomènes physiologiques (augmentation de la thermie, fatigue générale, recrutement de fibres rapides…) augmente de plusieurs pulsations pour une charge de travail restée identique. Cet élément doit rester à l’esprit.

  • Détermination des allures

Pour évaluer et guider l’entraînement de coureurs de haut niveau, on se base généralement sur un réseau d’indicateurs :

– Vo² MAX
– Lactate
– Fréquence Cardiaque
–  VAM ou VMA (vitesse aérobie maximale)
–  Les vitesses de course aux différents seuils (à 3 à 4 mmol/l, seuil individuel, inflexion de la FC)
–  Le ressenti pendant l’entraînement
–          …

Un paramètre pris indépendamment (sans relation avec les autres paramètres) ne peut donc donner suffisamment d’indications sur un niveau de performance ou le degré d’intensité d’une charge d’entraînement.

  • Fréquence cardiaque et relations avec la charge de travail

Le chercheur Wyndham a démontré dès 1959 qu’il existe une relation linéaire entre :

  • La Charge de travail (vitesse de course) et la VO2
  • La Charge de travail (vitesse de courses) et Fréquence cardiaque

Il fait remarquer que l’analyse des courbes d’Oxygène (O2) montre que la consommation d’O2 atteint son asymptote (son maximum) plus lentement que celle de la Fréquence Cardiaque.

Si l’on fait la relation FC/Vo², on constate que cette relation linéaire existe à nouveau, mais que cette courbe n’est linéaire que jusqu’à un point proche de la valeur de la Fréquence Cardiaque maximale. Or, près de la valeur maximale de la Fréquence Cardiaque, il y encore une augmentation importante de la Vo² max et donc de la charge de travail.
Ce qui veut dire que lorsqu’on travaille à 80 % de Vo², on peut facilement être à 90 % de la FC MAX.

Quelle est donc la solution ?

Faire un test pour évaluer sa fréquence cardiaque à différentes allures.

Ce test vous allez le gérer à partir de la vitesse correspondant à votre VMA (que vous devez régulièrement évaluer – tous les 3 mois environ ; lire comment évaluer sa VMA et le test deVMApréconisé par Jean-Claude Vollmer :test de VMA pour les plans d’entrainement de JC Vollmer)

  • Le test

Matériel :
– idéalement une piste
– un cardiofréquencemètre permettant une analyse des données après l’effort et surtout pouvant prendre des temps de passage avec la FC cardiaque instantanée et moyenne.

  • Le protocole

Après un échauffement relativement léger, faites
– 3 x 10 mn à trois allures différentes (70% de la VMA ; 80% de la VMA et 90% de la VMA). Attention pour que le test soit réussi, il faut que les 10 mn soit effectuées à une allure très régulière (pas d’accélération ou de ralentissement).
– Récupérez 10 à 12mn (marche) entre chaque effort pour permettre à la Fréquence Cardiaque de revenir à des valeurs proches de celles relevées avant le départ du premier contrôle d’allure. Et n’oubliez pas de vous hydrater durant ces phases de récupération.

  • Analyse

Pour chaque allure demandée, établissez la moyenne de votre fréquence cardiaque lors des 2 dernières minutes d’effort. Vous pourrez ainsi établir un tableau fiable de correspondance Vitesse / FC (car basé sur un état stable de la Fréquence Cardiaque à la vitesse correspondante) qui vous permettra de mieux guider votre entraînement.

Rapidement vous vous rendrez compte que pour des allures très éloignées les unes des autres (70 %, 80 %, 90 %), les Fréquences cardiaques relevées sont très proches et ne présentent que quelques pulsations d’écart. De plus, pour l’allure à 90 % de la VMA, vous ne devriez pas être loin des valeurs de Fréquence Cardiaque relevées lors d’un test de détermination de VMA.

Durant vos entraînements, il ne faut pas s’inquiéter si vous ne pouvez pas respecter la zone de FC Max qui correspond à la vitesse de VMA recherchée car l’essentiel est de travailler les allures (temps) et de rechercher une certaine aisance.

Sachez que malgré la complexité, la Fréquence cardiaque est un excellent complément pour jauger de l’intensité de votre effort. Mais pour juger du niveau d’intensité, il est préférable de se baser sur des Fréquences Cardiaques moyennes plutôt que sur la valeur affichée de la Fréquence Cardiaque à la fin de l’effort.

Ne soyez pas obnubilé par des chiffres précis, travaillez plutôt avec des zones cibles ! Il est aussi important d’apprendre à être à l’écoute de votre corps car il vous envoie en permanence des informations.

Etre à l’aise à l’allure fixée et/ou visée est aussi un indicateur précieux même si la Fréquence Cardiaque ne se situe pas exactement là où l’on la ciblait.