La sollicitation accrue du métabolisme lipidique
En période de jeûne, le principal substrat énergétique de l’organisme sont les lipides, c’est-à-dire l’énergie stockée sous forme de graisse. Ceci se traduit par une hausse de la circulation du glucagon (une hormone responsable du déstockage du sucre dans l’organisme), des acides gras libres (leur taux double après 12 heures de jeûne) ainsi que d’une diminution de la circulation de l’insuline [1].
Ces modifications induites par l’entraînement à jeun permettraient de mieux utiliser les acides gras à une intensité d’effort plus élevée et préviendraient la chute de la concentration sanguine de glucose induite par l’effort.
Une étude réalisée sur des cyclistes soumis à un régime riche en glucides mais dont le nombre de calories apportées n’excédait par leurs besoins a conclu que le fait de s’entraîner à jeun permet d’accroître la capacité d’utilisation des lipides par les muscles et de modérer les effets de la baisse de la glycémie lorsque la totalité de l’effort est effectuée sans ravitaillement [2].
Dans cette étude, les deux groupes de cyclistes étaient soumis à un régime et un programme d’entraînement contrôlés. L’un des groupes s’entraînait à jeun tandis que l’autre s’entraînait après une prise alimentaire et avec un ravitaillement pendant l’effort.
Ce type de résultats, assez courant dans l’étude de l’utilisation des acides gras chez les sportifs à jeun, s’explique par le fait que l’utilisation de cette source d’énergie est inhibée par la consommation de glucides avant l’effort.
En effet, la hausse de l’insuline suscitée par les glucides diminue la capacité de l’organisme a utiliser sa masse grasse [3].
L’impact du jeûne sur l’oxydation des lipides durant l’effort doit être pondéré en fonction de l’intensité de l’effort demandé au sportif.
Ainsi, pour un effort de basse intensité, une étude a comparé deux groupes d’athlètes à jeun avant un effort de 2 heures. L’un des groupes ingérait des glucides toutes les 30 minutes au cours de l’activité et l’autre groupe restait à jeun.
L’expérience a mis en évidence que l’oxydation des lipides n’était plus importante chez les athlètes totalement à jeun qu’après 80 à 90 minutes d’efforts, alors même que le taux d’acide gras libre présent dans leur plasma était deux fois plus élevé après la première heure d’effort [4].
Dans la même étude, pour un effort à intensité modérée, qui correspond au niveau d’effort généralement identifié comme celui où les lipides représentent le substrat énergétique principal, l’oxydation des lipides n’était pas plus importante chez les athlètes à jeun comparé aux athlètes ravitaillés durant l’effort [4].
C’est d’ailleurs pour cette raison que bien souvent les coachs d’athlétisme préconisent à leurs athlètes de faire des footing à allure modérée pour mobiliser leur réserve lipidique.
Cependant, l’effet attendu par le coach, proposant des efforts à allure modérée, et l’athlète, qui souhaite s’entraîner à jeun, est le même : tirer un bénéfice pour les efforts prolongés en apprenant à utiliser les réserves lipidiques.
L’intérêt de l’entraînement à jeun peut toutefois se situer pour les efforts abordant une intensité plus élevée, soit 70% de VO2 max et plus.
On relève couramment qu’à cette intensité, l’utilisation des lipides est plus importante lorsque l’athlète est à jeun que lorsqu’il a eu un repas avant son effort [1,5]. Or, cette intensité correspond souvent à celle d’un effort long, notamment en compétition.
Au service des efforts prolongés
L’entraînement se fait bien souvent dans un objectif de performance. L’athlète a en tête la performance qu’il pourrait réaliser sur la compétition mais aussi sur les séances d’entraînements qui auront un impact sur la compétition.
Il ressort de la littérature scientifique qu’au mieux, l’entraînement à jeun n’a pas d’effet délétère sur la performance de l’athlète durant la séance. La tendance semble montrer que plus l’effort dure, plus le fait d’avoir consommé des glucides avant l’effort améliore la performance.
On pourrait en conclure que si le but recherché est d’améliorer ses capacités lors d’un effort prolongé, s’entraîner à jeun ne semble pas être la meilleure piste et qu’il vaudrait mieux s’entraîner à consommer des glucides durant l’effort.
Ainsi dans des études réalisées sur des cyclistes dont le but était de voir s’ils tiendraient plus longtemps un effort à intensité modérée on a mesuré le temps d’effort maintenu jusqu’à épuisement du cycliste après un repas ou à jeun. Les auteurs relèvent un temps plus long chez les cyclistes ayant consommé un repas riche en glucides [6-8].
Dans une étude sur le jeûne dans une situation plutôt extrême, on a comparé le fait de courir jusqu’à épuisement à 70% de VO2 max après un jeûne de 27 heures ou 3 heures après un repas. L’effort fourni après le jeûne était en moyenne inférieur de 44,7% [9].
Dans cette étude de revue précitée, parmi plusieurs études dans lesquelles aucune différence significative n’a été relevée sur les performances des athlètes à jeun et nourris, deux d’entre elles doivent retenir l’attention. En effet, dans la première, les athlètes à jeun étaient comparés à des athlètes nourris avec de l’huile de graines de chia [10], et dans l’autre, à des athlètes nourris avec des glycérols [2].
Or, lorsque les athlètes nourris avec des glucides, avec des glycérols ou à jeun sont comparés, il s’avère qu’uniquement ceux nourris avec des glucides présentent une performance améliorée.
Cela s’explique par le fait que l’entraînement à jeun repose sur l’oxydation des acides gras, or celle-ci est uniquement limitée par l’ingestion de glucides. Dès lors, l’ingestion d’une quantité insuffisante de glucides donne des effets analogues à ceux obtenus lorsque l’athlète est à jeun.
S’agissant de l’impact spécifique sur les efforts prolongés, on note qu’à partir d’un temps d’effort relativement long, soit 2 heures, l’athlète, qu’il soit à jeun ou non avant l’effort, utilisera de la même manière ses substrats énergétiques et ce même à 70% de VO2 max, intensité à laquelle l’utilisation des lipides est normalement réduite [11].
Ainsi, une fois ce délai passé, l’utilisation des acides gras va augmenter chez l’athlète qui s’est alimenté avant l’effort et il va avoir le même niveau que s’il était à jeun du fait de la déplétion de ses réserves en glycogène.
Dès lors, s’entraîner à jeun pour ce type d’intensité pourrait permettre d’une part de préserver les réserves de glycogènes et, d’autre part, d’adoucir le choc que certains connaissent lorsque leur source d’énergie bascule des glucides vers les lipides. C’est notamment une des hypothèses lorsqu’on touche le fameux “mur” du marathon.
L’autre stratégie serait évidemment que l’athlète consomme des glucides tout au long de son effort pour éviter cette déplétion, mais coupler les deux est intéressant dans la mesure où il n’est pas évident que les ravitaillements durant l’effort permettent d’éviter totalement ce phénomène du “mur”
La question de la récupération
La nutrition sportive joue un rôle important sur la performance de l’athlète. Ce rôle peut s’exprimer aussi bien sur le temps d’ effort que sur la récupération.
Or, ce deuxième élément joue un rôle considérable dans la progression de l’athlète sur le long terme puisque la récupération est indispensable au phénomène de surcompensation.
En prenant en considération cette question importante de la récupération, on préconise d’intégrer les entraînements à jeun sur des exercices à basse intensité et de les programmer lors de certains cycles comportant une charge d’entraînement adaptée pour permettre une récupération adéquate de l’athlète [1].
On considère donc que ce type d’entraînement ne permet pas une récupération optimale, notamment lorsque l’athlète doit soutenir des entraînements intenses de manière répétées.
En effet, si l’entraînement à jeun peut permettre d’optimiser l’utilisation des glycogènes en apprenant à l’organisme à utiliser une plus grande part des lipides comme substrat énergétique, les entraînements à jeun engendre une déplétion des réserves de glycogène. Or, l’utilisation de ce substrat énergétique est associée à de meilleures performances.
La question de la récupération se pose également au niveau musculaire. Ainsi, la littérature fait souvent état du fait que l’entraînement à jeun active la protéolyse musculaire [1], ce qui peut avoir un effet délétère à terme pour l’athlète.
Cependant, il semblerait qu’intégrer des entraînements à jeun sur le long terme aurait l’effet inverse en activant le gène eEF2 qui tend à favoriser la resynthèse musculaire [12].
Cette tendance dégagée dans l’étude précitée confirme donc que l’entraînement à jeun permet à l’organisme de mettre en place certaines adaptations mais aussi qu’il faut implémenter ce type d’entraînement lors de périodes adaptées.
En effet, si l’athlète doit supporter de lourdes charges d’entraînement, il est plus intéressant de maximiser sa resynthèse musculaire, soit en ne s’entraînant pas à jeun, soit en ayant déjà provoqué l’adaptation induite par l’expression du gène eEF2.
Confronter la théorie à son expérience personnelle
Pratiquer les entraînements à jeun nécessite de prendre en compte de nombreuses informations surtout lorsqu’on veut s’entraîner en s’appuyant sur la pointe des connaissances actuelles ! Mais il ne faut surtout pas négliger ses propres ressentis et ses habitudes.
Votre ressenti ne sera pas le même en fonction de la durée ou de l’intensité de la séance, faites donc bien attention avant de vous lancer et surtout écoutez votre corps qui saura vous donner un signal d’alerte si vous lui en demandez trop !
Bibliographie
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1 réaction à cet article
Errol Desfossés
Merci pour cet article plus que pertinent sur ce sujet suscitant pas mal d’interrogations. Maintenant tout est limpide et il n’y a plus de confusion.