Mais pour commencer, un peu de théorie. Le coût énergétique de la locomotion (CE) est défini comme la quantité d’énergie consommée par unité de distance.
Il peut également être décrit comme le rapport entre le débit d’énergie consommé par unité de temps et la vitesse de déplacement. Nous pourrions donc facilement le comparer à la consommation d’essence d’une voiture sur une distance de 100 kilomètres.
- Cout énergétique et natation
Pour la natation, la relation entre le coût énergétique de la locomotion et la performance est bien établie. Les résistances hydrodynamiques et l’efficience de propulsion, dont l’optimisation requiert des années de pratique, constituent les principaux facteurs qui déterminent le coût énergétique de la nage. Une étude a, à cet égard, montré que des nageurs entraînés démontrent un coût énergétique de la nage de l’ordre de 21 à 29% meilleur que des triathlètes de niveau équivalent.
Ces résultats confirment une étude préalable qui avait montré qu’un groupe de nageurs de haut niveau possédait une efficience de propulsion 36,4% plus élevée que celles de triathlètes élite. Bien que la fréquence de nage ait été identique chez les nageurs et les triathlètes de haut niveau, ces derniers ont révélé une moindre distance parcourue par cycle de bras, ce qui témoigne d’une efficience de nage moindre. Cette différence n’est pas liée à une différence de taille mais à la meilleure capacité des nageurs à trouver appui sur l’eau lors de la phase propulsive.
- Cout énergétique et cyclisme
L’analyse de la littérature révèle que le coût énergétique du pédalage constitue aussi un facteur de la performance en cyclisme. Dès lors qu’elle dépasse 65 mlO2.min-1.kg-1 (souvent assimilée à un bon niveau d’entraînement), il apparaît en effet que la valeur de V̇O2max (la cylindrée du moteur) ne permet plus d’expliquer la différence de niveau de performance entre des cyclistes professionnels et des cyclistes amateurs.
Des chercheurs ont ainsi montré qu’il existe une relation inverse entre V̇O2max, le coût énergétique et le rendement brut chez des cyclistes professionnels. En d’autres termes, une valeur optimisée du coût énergétique permet de compenser une valeur relativement faible de V̇O2max chez certains cyclistes professionnels. Chez ces derniers, la valeur de rendement brut se situe en moyenne aux alentours de 24% et celle du coût énergétique du pédalage est d’environ 85W.L-1.min-1. Chez un cycliste double-champion du monde de l’épreuve en ligne sur route, des scientifiques ont même montré que ces valeurs atteignaient respectivement 25% et >90W.L-1.min-1, tandis que V̇O2max s’élevait « seulement » à 70mL.min-1.kg-1.
À titre comparatif, les valeurs rapportées par d’autres auteurs chez des cyclistes amateurs très entraînés étaient nettement inférieures (~75W.L-1.min-1). De manière intéressante, une équipe italienne a par ailleurs mis en évidence que l’efficience mécanique augmentait avec l’intensité d’exercice chez ces cyclistes professionnels. Ce constat expliquerait la grande résistance à la fatigue que démontrent ces sportifs à l’exercice et serait expliqué par la très grande quantité de pratique que révèlent ces derniers (environ 35 000km.an-1).
- Cout énergétique et course à pied
Pour la course à pied, la relation entre la performance et le coût énergétique de la locomotion est bien documentée. Des spécialistes américains expliquent ainsi que les coureurs qui possèdent un bon coût énergétique vont donc dépenser moins d’énergie pour courir à une vitesse donnée que des coureurs démontrant un mauvais coût énergétique de la locomotion, ce qui leur permet par ailleurs d’être plus performants pour une quantité d’énergie consommée similaire.
Etant donné qu’il existe une grande variabilité inter-individuelle de ce paramètre entre des coureurs démontrant une valeur de V̇O2max proche, le coût énergétique de la course est parfois plus prédicatif du niveau de performance chez les athlètes de haut niveau que ne l’est la valeur V̇O2max. Un chercheur italien a estimé qu’une amélioration de 5% du coût énergétique de la course engendre une progression de 3,8 % de la distance parcourue lors d’une course de longue durée.
Par exemple, une étude a été menée au sujet de Steve Scott, lorsque celui-ci était recordman américain du mile. Les effets de son entraînement avaient alors été évalués pendant 6 mois. Au cours de cette période, cet athlète avait amélioré V̇O2max de 3,8% (de 74,4 à 77,2 ml o².min-1.kg-1), tandis qu’une amélioration de 10% de son coût énergétique à 16km.h-1 avait été parallèlement rapportée (de 65,1% à 58,6% de V̇O2max). Des résultats collectés auprès de coureurs de haut niveau ont par ailleurs montré que ces derniers se distinguent notamment par les faibles valeurs de leur coût énergétique.
Des scientifiques ont étudié les variations du coût énergétique et de la performance chez des coureurs à pied « élite » (V̇O2max : 75ml o².min-1.kg-1) qui ont suivi des sessions d’entraînement associant du travail à faible allure, de la course en côte et du travail fractionné de haute intensité sur une période de 22 mois. Leurs résultats ont révélé que les athlètes étudiés avaient significativement réduit leur V̇O2 à des allures de 15 et 20km.h-1 à l’issue de cette période (sans modification de V̇O2max), ce qui s’était accompagné d’une amélioration de leur performance sur 5 000 m.
L’ensemble de ces résultats montre qu’un bon rendement énergétique est profitable à la performance lors des épreuves de locomotion d’endurance, tels que la course à pied, le cyclisme, la natation ou le triathlon. Par ailleurs, plusieurs travaux ont, à cet égard, suggéré que la capacité à conserver une grande économie de locomotion lors de la course à pied d’un triathlon, après avoir nagé et pédalé, constitue un facteur spécifique de la performance en triathlon.
Le renforcement musculaire, un moyen efficace d’améliorer son économie de course ?
L’une des caractéristiques des athlètes d’endurance de très haut niveau réside donc dans leur incroyable faculté à courir, pédaler et/ou nager à faible coût. A l’image d’une voiture dont la consommation aux 100 kilomètres serait faible, ces athlètes possèdent une incroyable faculté à économiser leur énergie, ce que l’on nomme l’efficience. Si les stratégies pour arriver à un tel résultat sont multiples, une étude scientifique a récemment démontré que le travail de musculation est un des moyens les plus efficaces pour optimiser l’économie de course, y compris chez des coureurs déjà expérimentés.
Pour étudier l’impact de la musculation sur l’économie de course, des chercheurs espagnols ont récemment réalisé une méta-analyse. Cette appellation quelque peu barbare désigne une méthode scientifique qui consiste à regrouper toutes les études menées sur un champ (ici l’économie en course à pied), d’y ajouter quelques pare feux pour éviter les mauvaises surprises (par exemple en excluant toutes les études menées sur des sportifs non entraînés, trop jeunes, trop vieux, etc.). L’idée étant ensuite de voir si des résultats en ressortent. Si tel est le cas ils seront bien évidemment plus puissants qu’avec une simple étude menée sur quelques individus.
Les chercheurs Madrilènes ont ainsi recensé l’ensemble des études qui ont évalué la manière dont répond l’économie de course chez des coureurs entraînés s’adonnant durant plusieurs semaines à un programme de musculation. 699 études furent ainsi passées à la loupe, mais seule une minorité d’entre elles furent finalement sélectionnées car respectant une méthodologie rigoureuse. Au final, les résultats collectés sur 90 coureurs d’un très bon niveau furent décortiqués. Majoritairement les programmes de musculation consistaient à effectuer des exercices avec charges lourdes, à intégrer des exercices de plyométrie (sauts de banc, montées de marche, etc.) et à ajouter des sprints courts à l’entraînement. Ce type de travail était réalisé 2 à 3 fois par semaine durant une durée variant entre 8 à 12 semaines. Le volume des séances était généralement assez léger, intégrant en moyenne 2 à 4 exercices par séance ciblant une majorité des muscles du bas du corps.
Les résultats rapportés furent très concluants, révélant un gain quasi-systématique des participants en termes de performance grâce notamment à une forte amélioration de leur économie de course après seulement quelques semaines de travail musculaire. Notons que ce résultat était d’autant plus puissant que seules les études menées sur des coureurs déjà très entraînés avaient été sélectionnées (V̇O2max > à 60 mL/min/kg).
Des coureurs très entraînés qui progressent !
Mais pourquoi je suis plus économe ? Des travaux ont montré qu’à la suite d’un programme de musculation, les coureurs avaient tendance à s’affaisser beaucoup moins sur leurs appuis, notamment par à une meilleure pré-activation des muscles des jambes lors des millisecondes précédant le contact du pied avec le sol. Ce type de travail permet donc aux coureurs de mieux restituer l’énergie stockée dans les muscles à chaque foulée, comme pourrait le faire certains animaux très athlétiques (kangourou, gazelle). Qui n’a jamais entendu « cet athlète a du pied, il sera un futur champion ! »
Effectivement, ces différents travaux nous confirment que le meilleur ne sera pas nécessairement celui possédant le plus gros moteur. Il nous est déjà arrivé de tester des athlètes aux références mondiales ne possédant pas nécessairement des qualités physiologiques surhumaines. En revanche, ils se caractérisaient toujours par une capacité à ne presque rien consommer ! Les meilleurs marathoniens courent à 20 km/h ? Oui, mais ils n’ont toujours pas enclenché la 3ème vitesse de leur boite personnelle, lorsqu’un bon amateur sera déjà en 5ème. Et pourtant, leur cylindré ne sera pas nécessairement différente. Quel intérêt pour le coureur de disposer d’ un moteur de voiture de course si c’est pour se retrouver avec des roues de tracteur et des suspensions molles comme de la guimauve ?
Ces études viennent donc nous rappeler que l’entraînement des qualités de force n’a pas seulement des effets sur les muscles pour les rendre plus robustes et résistants en fin de course comme nous l’avions expliqué dans le premier volet, mais qu’il pourra également améliorer la commande motrice. L’intérêt du travail de renforcement musculaire est donc multiple et nous n’en sommes pas encore au dernier volet !
Un élément indispensable de l’entraînement du coureur, mais pas que… Cette étude montre donc que le renforcement musculaire est un moyen efficace de progression. Pour appuyer encore plus son utilisation on pourra retenir qu’il constitue l’un des meilleurs moyens de se protéger des blessures, à condition de prendre son temps dans la progressivité des séances. La musculation parait donc comme un pan essentiel de la préparation du coureur à pied, mais il en sera de même pour le nageur ou le cycliste, donc également pour le triathlète.
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4 réactions à cet article
Pascal
Bonjour, peux t-on avoir la référence de l’étude madrilène ? Merci
Sabine
C’est ici : https://www.mendeley.com/research-papers/effects-resistance-training-neuromuscular-characteristics-pacing-during-10km-running-time-trial/authors/
Sabine
ah non pardon ça c’est l’étude des chercheurs brésiliens du volet n°1… du coup je ne sais pas!
jeddou mohamed
j’ai decouvert par intuition que la msuculation est presque un dopage naturel. j’ai commence la course a pied a l’age de 20ans. beinsur , je faisais d’autres activité sportive, mais pas asse regulierement. en deux annee dentrainement, j’ai ruessi a faire 2h21 mn au marathon. et en plus etait mon premier marathon. puis 1h04 au semi marathon mais pour des raisons personnel , j’ai arrete pour ne pas aller plus loin.en afit quand je fais par exemple la msuculation, le matin et la deuxieme seance du soir, que ce soit, une longue sortie, ou specifqque, je ne senti rien. on dirais quele travail , musculaire, permet de proteger de taper comme on dit dans le rouge.cela pendant les preparation , mais il faut un mois un arret de musculation . et voila , je confirme , c’est le cle de la reussite, je pense que non seulement indispensable mais je peux dire que la reussite. du reste il faut savoir s’en servir.