Trail : Comment savoir quand il faut abandonner ?

Une période de "moins bien", une blessure qui se réveille ou qui survient... Voilà des semaines et des semaines que vous préparez votre rendez-vous et que vous vous réjouissez de participer mais rien ne va. Faut-il abandonner ou persévérer ? Pascal Balducci, entraîneur trail répond.

CCC 2013

En trail en général et en ultra trail en particulier, la question est complexe et sujette à caution !! En effet, il est fréquent pour un athlète, même parmi les meilleurs, d‘avoir des hauts et des bas, de vivre des moments difficiles, d’être au bord du renoncement puis de miraculeusement retrouver de l’énergie pour finir l’épreuve dans de bonnes dispositions. Dans cette perspective, on en conclut rapidement que tout se passe dans la tête et la performance est attribuée de manière magique pour 50% au mental. Pourquoi 50% ? Que range-t-on dans le sac fourre-tout du mental ? En cherchant les réponses à ces questions, on comprend mieux le fonctionnement de l’individu à l’effort (physiologique + psychologique), on quitte le magique pour rejoindre le rationnel. Sans cela, l’abandon est trop vite associé à une faiblesse sur le plan mental, malgré les douleurs, malgré la blessure !

Pourquoi abandonne-t-on ?

Les causes de l’abandon sont multiples et cumulatives. Les principales raisons sont une mauvaise préparation et donc une incapacité à poursuivre l’effort, la blessure instantanée (chute, entorse…), la blessure de répétition (tendinite, périostite…), les troubles digestifs, une mauvaise gestion de course (départ trop rapide), l’incapacité à passer les barrières horaires… A ces causes, on peut ajouter aussi celle de l’athlète qui ne se reconnaît plus dans ce qu’il est en train de faire, qui n’y trouve plus d’intérêt et qui souhaite arrêter la course et l’activité en même temps. Dans un monde du trail où sévit la surconsommation, ce profil devient courant et renvoit aux motivations sous-jacentes au démarrage de l’activité trail. Toujours en lien avec les motivations, certains athlètes de team se retrouvent au départ de certaines courses un peu sous la contrainte, ce qui ne passe pas sur des efforts d’ultra endurance.

Sur un ultra trail, il n’est pas rare de constater 1/3 d’abandons, soit environ 800 arrêts pour 2500 partants. Cette proportion peut atteindre 50% quand les conditions sont difficiles comme c’est souvent le cas à la Réunion en fin de saison.

Quand abandonner ?

Il est difficile pour un athlète au cœur d’un événement qu’il a longuement préparé de se résoudre à l’abandon. On veut toujours aller un peu plus loin en espérant que la douleur va passer, que la forme va revenir, que la blessure va disparaître … mais dans 90% des cas, il n’en est rien. Tout dépend également du moment de la course. Si la blessure se réveille tôt, il est inutile d’insister et de compromettre la suite de la saison et même la saison suivante. Si vous n’êtes plus en mesure de vous ravitailler et qu’il reste de nombreuses heures de courses, idem. Dans tous les cas, il faut aller au-delà de la petite mort que représente l’abandon pour voir plus loin, faire le deuil de cet objectif, accepter l’arrêt et savoir au fond de soi que l’on reviendra. Il est conseillé de se faire aider dans la prise de décision. Le problème est que vous avez entraîné dans votre aventure tout votre entourage, famille et amis, parfois des partenaires, et que cela rend encore plus difficile l’abandon. Pour autant, cet entourage aura plus de recul pour vous aider à arrêter et pour vous entourer. Sur une course objectif, l’abandon est sur l’instant une tragédie personnelle, la triste fin de longs mois de préparation et de projection sur l’événement, mais la sagesse doit l’emporter sur une obstination stérile.

Par expérience, en cas de blessure, je conseille l’abandon rapide. Nombreux sont les cas d’athlètes ayant poursuivi de longues heures malgré la douleur, parfois jusqu’à l’arrivée, mais au détriment de leur santé. Un an plus tard, ces athlètes ne sont toujours pas en mesure de courir, c’est regrettable. En général, il faut abandonner quand son intégrité physique est mise en jeu, à court, moyen et long terme.

Quand peut-on poursuivre ?

Il est intéressant de se poser aussi cette question pour mieux cerner la problématique de l’abandon. On peut poursuivre tant que l’on n’est pas blessé et que l’on possède la plénitude de sa raison. On peut en effet subir de terribles coups de barre en cours de route et être euphorique quelques heures plus tard à l’approche du but. Tant que tout va bien physiquement, on peut s’accrocher à son objectif et surpasser ses douleurs.

Enfin, pour dédramatiser l’acte d’abandon, il faut inclure cette possibilité dans sa préparation psychologique à l’épreuve. C’est ce que l’on appelle le cheminement des possibles. Se donner la liberté d’abandonner pour ne pas évoluer dans la crainte et vivre pleinement l’instant présent de la course.

 

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