L’affûtage peut améliorer la performance en compétition jusqu’à ~6%.
Lorsque l’ambition d’un sportif d’endurance – quel que soit sa discipline (demi-fond, course de longue distance, cycliste sur route, vététiste, triathlète courte ou longue distance, etc.) – est de réaliser une performance, il respecte généralement un plan d’entraînement plus ou moins arrêté. Et l’objectif de ce plan d’entrainement est toujours le même : atteindre un pic de forme le Jour J qui soit le plus élevé. Pour cette raison, la charge d’entraînement est généralement réduite à l’approche de la compétition.
La « phase d’affûtage » a pour but de dissiper le stress physique et psychologique associé à l’entraînement afin d’optimiser le niveau de performance.
Un coup d’œil sur la littérature scientifique des vingt dernières années révèle que l’affûtage peut engendrer une amélioration du niveau de performance comprise entre 0,5 et 6% chez des athlètes entraînés. Faites le calcul vis-à-vis de vos meilleurs chronos et vous comprendrez assez aisément qu’un bon au classement est envisageable. Attention toutefois : l’affûtage est une période charnière de l’entraînement qu’il s’agit de gérer avec précaution. Celle-ci peut récompenser une préparation rondement et intelligemment menée. Mais également réduire à néant des mois d’un travail rigoureux.
Pour mieux comprendre comment gérer son affûtage, il convient de rappeler que la charge d’entraînement peut se décrire comme la combinaison de trois facteurs : l’intensité de l’entraînement, sa durée (ou volume) et la fréquence des séances. Lorsqu’il s’agit de s’affûter, cette charge doit être délicatement manipulée de sorte à réduire la fatigue accumulée, tout en demeurant suffisante pour entretenir les adaptations physiologiques, mentales et techniques engendrées par les phases précédentes de la préparation, sous peine de décliner vers un état « désentraîné » et donc d’inverser le processus souhaité. L’accumulation des études scientifiques sur le sujet permet aujourd’hui de mieux en cerner le mode d’emploi « général ».
Réduire le volume horaire d’entraînement…sans toucher à son intensité et sa fréquence !
Les chances d’optimiser un niveau de performance lors d’une compétition sont maximales lorsque le volume horaire d’entraînement est généralement réduit autour de moitié (41-60% suivant les profils). Cette préconisation fait écho à de nombreuses études qui ont mis en évidence un point capital : il est possible de réduire de manière importante le nombre d’heures d’entraînement hebdomadaires sans compromettre les adaptations positives engendrées par les cycles de travail précédents.
Trois vecteurs stratégiques peuvent alors servir de supports de réflexion : réduire le nombre de séances d’entraînement par semaine, réduire la durée de chaque sortie ou encore pondérer de façon combinée ces deux éléments. Les résultats scientifiques montrent que l’impact de ces trois stratégies n’est pourtant pas identique… La stratégie la plus efficace consisterait à réduire la durée des séances sans en modifier la fréquence. Ainsi, l’organisme « se souviendrait » des adaptations mises en place en réponse à son entraînement lors des cycles de travail antérieurs tout en évitant les risques de désentraînement.
En ce qui concerne la gestion de l’intensité des séances d’entrainement à l’approche de la compétition, le constat est tout autre puisqu’une réduction de l’intensité des séances de travail ne semble pas optimale lors de l’affûtage. Le niveau de performance augmente dans plus de 95% des cas lorsque l’affûtage est réalisé sans réduire l’intensité de l’entraînement. De plus, aucun phénomène de surcompensation n’est généralement constaté lorsque l’intensité est abaissée.
Il ressort enfin qu’il est profitable de maintenir le nombre habituel de séances d’entraînement pour multiplier les rappels physiologiques, plutôt que de maintenir leur durée habituelle et s’entraîner moins souvent. Par exemple pour quelqu’un s’entraînant sept fois par semaine, l’idéal consistera donc à maintenir sa fréquence d’entraînement, tout en conservant ses thématiques habituelles de travail (VMA, séance au seuil, sortie aéro…), mais en réduisant la durée de chaque séance par deux. Par ailleurs il semblerait également optimale de maintenir les activités d’entraînement réalisées pendant la préparation. Par exemple si vous avez effectué un 10*400m à 19 km/h, récup 1’ en course à pied pendant la préparation, faire 4-6*400m à 19 km/h, récup 1’ en course à pied lors de l’affûtage. Mais l’objectif restant de performer le jour J, si vos périostes sifflent à quelques jours du grand départ, il sera peut-être plus opportun de réaliser la même séance en transférant les séries sur le vélo, un elliptique, en natation ou sur un rameur pour éviter des chocs qui pourraient compromettre votre arrivée sur deux jambes lors de votre épreuve tant rêvée.
Deux semaines d’affûtage. Rarement moins, rarement plus…
Un autre paramètre-clé de l’affûtage concerne sa durée. Là encore, les études scientifiques menées apportent un éclairage intéressant. En compilant les résultats rapportés pour des durées d’affûtage d’une, deux, trois voire quatre semaines, il ressort que si l‘affûtage est en moyenne toujours positif dès qu’il atteint au minimum une semaine. Un optimum est généralement atteint lorsqu’il dure deux semaines. Au-delà, les chances d’atteindre un pic de forme se font plus rares.
Ce résultat est certes le reflet d’une moyenne statistique et doit être validé par des tests pratiqués par chaque sportif en amont des compétitions. Il souligne néanmoins que la mémoire de l’organisme à son entraînement est relativement longue : un argument à faire valoir auprès des personnes culpabilisant à l’idée de s’entraîner moins à l’approche d’une compétition majeure ou devant enchainer des courses dans un calendrier resserré.
Une suggestion alors : opter pour une durée d’affûtage plus longue qu’à l’accoutumée à l’approche de compétitions mineures et la reproduire à l’identique sur une échéance majeure de la saison en cas de succès. Ce type de stratégie permet d’individualiser la durée d’affûtage optimale en fonction de la capacité de chacun à récupérer vite (ou non) et de sa capacité à préserver (ou non) les progrès induits par l’entraînement. Ainsi, bien qu’il semble clair qu’un affûtage de 10-15 jours soit idéal, la durée optimale reste très personnelle. Il serait dommage de passer à côté d’un pic de forme personnel à 7 jours, ou à l’inverse à 4 semaines, par exemple…L’idée reste donc de tenter l’expérience ! De récentes études semblent par ailleurs confirmer ce constat dans le temps indépendamment de la charge d’entraînement préalable. En d’autres termes, un sportif connaissant un pic de forme précoce (7 jours) bénéficiait toujours de cette échéance lorsque sa charge était modifiée, de même qu’un profil plus « latent » gagnait à conserver sa durée allongée d’affûtage (4 semaines).
Et avant ?
Par ailleurs, il a longtemps était suggéré que plus une charge d’entraînement était difficile, plus elle permettait un rebond de performance important ; un peu comme si l’on tirait sur un élastique pour envoyer un objet le plus loin possible. Or un certain seuil de fatigue ne semble pas à franchir et des moyens simples permettrait d’éviter de basculer du mauvais côté de la force et tomber dans le surmenage…
Les travaux de ces chercheurs ont aussi montré que le rebond de performance n’était pas meilleur après une période de surmenage lors de la préparation (symbolisée par une baisse de performance en fin de période de surcharge) en comparaison à des sportifs s’entraînant comme à l’accoutumée. A l’inverse, des rebonds conséquents (en moyenne de 5%) étaient constatés lorsque les sujets s’étaient entrainés de façon plus importante qu’habituellement, mais sans pousser leur organisme au-delà de ses capacités de récupération (état symbolisé par une performance maintenue en fin de surcharge). Soyez donc vigilants et écoutez les signaux de votre corps, plutôt que ceux de votre égo qui pourrait préférer faire mieux que le (la) partenaire et maximiser (a priori) les chances de succès en rajoutant des séances d’entraînement.
Sur la continuité, nous vous avons rapporté les « grands principes » d’affûtage. Mais chaque personne et chaque situation est différente. Nous vous conseillons donc de construire votre planification sur ces bases et de l’adapter à votre personne. Il ne sera ainsi par exemple peut-être pas opportun de faire votre rappel de VMA le lendemain d’une nuit de garde professionnelle et à quelques jours d’être sur la ligne de départ. Et à l’inverse il pourrait s’avérer judicieux d’effectuer une petite sortie en endurance de base, voire un jour OFF… donc de réduire l’intensité, voire même la fréquence ! L’objectif étant de performer le jour J, vous aurez alors plus d’atouts dans votre manche en étant bien reposé, que fatigué nerveusement avec le sentiment du devoir accompli.
Comme toujours l’entraînement n’est pas une science exacte, mais une adaptation et une réflexion perpétuelle. A vous de jouer !
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6 réactions à cet article
robdeau
Merci les gars. Merci Cyril. Et un passage dans la box pendant l affutage. C est conseillé?
A bientôt et Bonne continuation dans vos différentes recherches.
Anaël AUBRY
En chambre climatique tu veux dire?
Cyril
Je pense que si tu t’en tiens aux séances sous-maximales en chaleur, il peut effectivement y avoir des enjeux. A savoir l’installation physiologique d’un état d’acclimatation qui pourra profiter à la perf en endurance (cardio plus stable, meilleure thermorégulation, etc.), sans charge mentale bien supérieure par rapport à une séance en tempéré. Donc plus de bénéfices que de coûts à moyen terme. Par contre, je ne préconiserais pas de chaleur sur les séances max (même en 2e semaine d’acclimatation/affûtage, c’est-à-dire lorsque l’on sera acclimaté) car on sortirait du principe « maintien de l’intensité » avancé dans cet article, pour une charge interne qui pourrait être alors mal encaissée in situ ou lors de la course. On aurait, je pense du coup, plus de risques à encourir dans ce cas..
JEROME
déjà publié depuis longtemps sur d’autres sites cette technique d’affutage
FraVal
L’article est top, dommage qu’on ne trouve pas les liens vers les études ou les DOI… Ne reste plus qu’à appliquer tout ça !
Reginez
Il faut arrêter , des tas d’etude , de méthodes et la fin un niveau qui baisse d’année en année désolant
Faites des KLM , de l’endurance active , un peu de fractionné et surtout garder a l’esprit que rien de sert de se faire mal ( un peu quand même lors du fractionné ) pas la grosse tête des mecs qui se la joue en petant un 35 mn au 10 km moi je faisais ça a 49 ans et je n’était pas dans les 20 premiers