À mesure que l’on gravit la montagne, l’oxygène se fait rare : la pression atmosphérique décline donc la capacité de l’organisme à prélever l’O2 décline. Pour compenser ce manque, le débit cardiaque et la ventilation augmentent au repos. À l’exercice, la désaturation artérielle en O2 entraîne en plus une baisse de la consommation maximale d’oxygène (VO2max) par les muscles. Dommage, c’est le facteur prépondérant de la performance en endurance ! Cette baisse est estimée à 2-3% à 1500m d’altitude et s’accentue à raison de ~1% par élévation supplémentaire de 100m. À 2000m d’altitude, dix points de VO2max peuvent donc théoriquement être ponctionnés sur votre capacité aérobie initiale. Toutefois, les variations restent individuelles. Par exemple, celles observées chez les sportifs en stage à Font-Romeu (1850m) vont de 3 à 10%.
Puisqu’elle change la réponse de l’organisme à l’effort, cette contrainte environnementale – qu’on appelle « hypoxie » – n’est pas à occulter des réflexions sur l’entraînement.
- En termes quantitatifs, une baisse du volume hebdomadaire est à entreprendre la première semaine de stage en altitude (et à prolonger en cas de fatigue ressentie) avant de retrouver un volume normal. Rogner ce volume normal de 30 à 50% peut alors constituer un repère pour qui s’initie à ce type de camp d’entraînement.
- En termes d’intensité également, il s’agit de revoir la planification des séances d’endurance.
De l’entraînement en relatif
Le ‘gold standard’ pour appréhender la réponse physiologique à l’altitude, ce sont les mesures d’un test VO2max (ces tests sont d’ailleurs maintenant accessibles sur le terrain). Mais un bricolage moins invasif peut aussi permettre de cerner les modifications d’entraînement à entreprendre en altitude.
- Idéalement, des tests maximaux de 5′ et 20′ réalisés avant et après chaque semaine de stage peuvent vous aider à déterminer vos nouvelles intensités de travail. Ces tests servent à définir vos intensités critiques dépendamment du contexte dans lesquels ils sont réalisés.
- Sinon, le relevé de votre dérive cardiaque sur 3-4 allures sous-maximales vous permettra de dégager une intensité de travail physiologique similaire à la plaine.
- Enfin, un indicateur fiable pour estime la tolérance de votre organisme à l’altitude est votre ressenti de la difficulté de l’effort (voir ci-dessous). Il émerge de l’intégration d’informations renvoyées au cerveau par les différents senseurs de l’organisme (métaboliques, pulmonaires et cardiaques) et se révèle extrêmement fiable et reproductible. Vos progrès seront alors reflétés par une plus grande facilité à une vitesse donnée, ou une vitesse supérieure pour un même ressenti général.
En parallèle du travail en endurance, rappelons que l’intérêt d’un stage en altitude ne se limite pas aux bénéfices aérobies mais s’étend aussi à la pratique de la musculation – l’hypoxie renforçant en effet les effets d’un travail de force sur la synthèse des protéines.
Dans quels buts ?
Malgré leur réputation, les bénéfices liés aux camps d’entraînement en altitude sur les performances en endurance s’avèrent inconsistants. Tantôt confirmés, tantôt flous, tantôt néfastes… Un rapport récent estime en effet à ~1% les gains moyens consécutifs à ce type de stage. En fait, il semble que ce soit davantage à l’échelle de l’individu que la régularité de ces effets positifs semble s’établir. De plus, il ressort que les « bons répondeurs » tirent préférentiellement profit du camp au sein de trois périodes : de 3 à 10h après la redescente en plaine ; entre le 3e et 5e jour ; ou après le 12e jour. Enfin, les plus grands bénéfices sont observés consécutivement à une acclimatation supérieure à 14 jours entre 2000 et 2500m d’altitude.
Derrière ces éventuels progrès, les mécanismes qui permettent d’atténuer le stress d’altitude (ie. tachycardie, hyperventilation) sont pluriels. Parmi eux, la réponse d’augmentation en globules rouge demeure la plus fameuse ; elle s’exprime après 8-10 jours d’acclimatation au-delà de 1500m, peut atteindre 1% par semaine à 2500m d’altitude, et se traduit notamment par une plus grande capacité de transport de l’oxygène. Bien que la magnitude de cette augmentation soit individuelle, c’est ce type d’ajustements qui est spontanément recherché lors d’un stage en altitude car ils sont associés à un gain de VO2max lors du retour en plaine.
En parallèle du renforcement de la fonction hématologique, des adaptations musculaires, ventilatoires, métaboliques et de coordination peuvent aussi intervenir. À titre d’exemples, le pouvoir ‘tampon’ des bicarbonates se développe et permet de mieux encaisser les efforts anaérobies (les phases de relance, de sprint, de montée…). La fonction ventilatoire à l’hypoxie augmente aussi, permettant de mieux répondre à la demande de l’organisme à l’exercice d’un point de vue général. Le métabolisme des sucres s’enclenche plus rapidement à l’effort. Enfin, la plus faible densité de l’air facilite la production technique de coordinations motrices fines qui sont davantage contraintes au niveau de la mer. Ensemble, ces améliorations concourent à un plus grand rendement énergétique.
À noter. Comme l’indique leur nom, les exercices de type « anaérobie » (sans oxygène) n’ont pas besoin d’être redéfinis lors d’un camp en altitude (par exemple lors d’une séance intense de fractionné). Néanmoins, les processus aérobie (avec oxygène) étant impliqués dans les phases de récupération, il conviendra de multiplier par deux ou trois le temps de récupération inter-séries.
Les plus
Au delà de l’ajustement de la charge d’entraînement, des changements pratiques peuvent être recommandés en anticipation d’un stage en altitude. S’ils relèvent essentiellement du bon sens (ex : arriver en pleine forme au stage ; ne pas programmer un stage pour la première fois avant une compétition importante ; rester attentif aux troubles comportementaux liés à la fatigue…), les adaptations nutritionnelles demeurent pour leur part moins spontanées.
Ainsi, dans le but de prévenir la réduction des apports en O2 et des réserves en glycogène induite par l’altitude, les aliments riches en fer (viandes rouges, poisson, œuf, persil, épinards, haricots, figue, amande, noisette) et en hydrates de carbone (céréales, légumes sec, pomme de terre, fruits) sont à encourager en amont du stage. Au cours de celui-ci, en plus, des apports en anti-oxydants seront nécessaires afin de limiter les dégâts cellulaires possiblement induits en altitude par le plus grand nombre de radicaux libres dans l’organisme (ail, amande, aubergine, betterave, café, citron). Les apports en hydrates de carbone seront aussi à augmenter à hauteur de 60-65% de l’apport énergétique total, en ciblant par ailleurs leur moment d’ingestion avant et immédiatement après les séances. Il semble en effet qu’un timing spécifique des collations limite les infections respiratoires fréquemment recensées lors de ces stages. En termes d’hydratation, enfin, un volume de ~1,5L d’eau est généralement recommandé en sus du volume quotidien afin de compenser la hausse des pertes liquidiennes liée à altitude (évaporation, ventilation, vêtements chauds, exercice).
En définitive, le stress lié à l’altitude reste à anticiper pour être idéalement affronté. La charge au cours du camp d’entraînement n’est en ce sens pas limitée à celle associée à l’entraînement seul. Les problématiques de récupération (sommeil, balnéothérapie), de nutrition et d’hydratation deviennent en effet prépondérantes pour éviter/limiter les maux associés à une fatigue importante et inhabituelle. Alors que l’écoute de soi devient dans ce cadre un atout particulier pour réguler efficacement son comportement au quotidien, les distractions de la montagne peuvent nous faire outrepasser cette composante essentielle, la vigilance. Alors n’oublions pas : l’altitude, c’est aussi une attitude.
Cyril Schmit