Potchefstroomn, ville provinciale d’Afrique du Sud, accueille presque chaque année une cinquantaine d’athlètes Français. Le complexe sportif de l’université du Nord-Ouest est équipé d’une salle de musculation, d’une superbe piste en herbe, d’un stade situé à deux kilomètres du centre et d’infrastructures pour soigner la récupération. Mais il n’y a pas que le côté exotique du lieu qui pousse la fédération française d’athlétisme à faire 10 heures d’avion et deux heures de route de l’aéroport à Potchefstroom pour courir. Entretien avec Philippe Dupont, manager et coordonnateur du demi-fond français sur les raisons et intérêts pour les athlètes de partir en stage à l’étranger.
Elodie Guégan: Philippe en tant que responsable du demi-fond pouvez-vous nous expliquer l’intérêt pour un athlète de partir en stage à l’étranger ?
Philippe Dupont : Il y a plusieurs raisons. D’abord le climat (à 10 heures du matin en plein mois de janvier à « Potch » le thermomètre affiche les 30 degrés) et l’altitude (1400 mètres en Afrique du Sud) pour le bénéfice sur le plan physiologique. Cela permet aussi de casser la routine quotidienne et de se dépayser sans oublier l’importance de rassembler sur un même lieu et durant quelques semaines les meilleurs athlètes français. C’est aussi une façon d’être plus professionnel dans son entraînement. Dans un tel cadre, l’athlète ne pense qu’à manger, dormir et courir tandis que chez lui l’environnement est différent et les tentations plus nombreuses. Je sais par exemple que Mehdi (Baala recordman de France du 800 et 1500 mètres et médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008, ndlr) a besoin de partir souvent car chez lui il est moins motivé. En stage, l’athlète est dans sa bulle.
Elodie Guégan: Où et quand partez-vous en stage ?
Philippe Dupont : Il y a un effet de mode et beaucoup de bouche à oreille sur les destinations de stages. En janvier durant 3 semaines, nous partons en Afrique du Sud pour le climat, l’altitude et le décalage horaire peu contraignant (il n’y a qu’une heure en janvier avec Paris). C’est un stage intéressant pour ceux et celles qui préparent les compétitions indoor.
En avril, pour préparer la saison estivale, le Portugal (Monte-Gordo) séduit beaucoup car ce n’est pas trop loin de la France, ils sont équipés de bonnes infrastructures avec un tarif abordable (40 euros au centre sportif de Monte-Gordo au lieu de 60/70 euros à Potchefstroom), et le climat est doux et idéal à cette période.
J’organise aussi un stage en octobre/novembre à Ifrane (Maroc) pour ceux qui veulent préparer le championnat d’Europe de cross. Le site est à 1600 mètres d’altitude, les parcours sont exploitables mais le stade est précaire.
Enfin il y a d’autres destinations comme le Kenya qui n’est pas encore trop prisé mais ca commence notamment grâce aux récits d’athlètes comme Bob Tahri (recordman d’Europe du 3000 mètres steeple) et Yoann Kowal (international sur 1500 mètres) qui connaissent bien le site et ses parcours.
Elodie Guégan: Quel est l’intérêt pour ces athlètes de partir au Kenya ?
Philippe Dupont : Il y a ce côté mythique, aventurier et bien sûr la culture de la course à pied. Le Kenya, c’est vraiment « la terre » du demi-fond et du fond. De plus, les conditions d’entraînements sont extrêmes car à plus de 2300 mètres d’altitude le souffle manque mais c’est aussi ce qu’ils recherchent, courir dans le dur pour se sentir plus facile en compétition. Mais il faut être vigilant avant de s’aventurer sur les hauts plateaux kényans, l’athlète doit bien se connaître et gérer son stage. Une vérité surtout les premiers jours pour ne pas rentrer complètement épuisé et usé.
Elodie Guégan: Vous avez parlé « d’effet de mode » concernant les lieux de stage que sous entendez-vous ?
Philippe Dupont : Je pense que certains athlètes abusent des stages durant la saison. Deux à trois stages maximum c’est suffisant après nous sortons du cadre. L’objectif sur un stage est le dépaysement : si vous partez 8 mois dans l’année ce ne sont plus des stages c’est un déménagement permanent. Rappelons aussi qu’il y a 15 ans très peu d’athlètes partaient, c’était exceptionnel. Aujourd’hui c’est plus classique mais il faut savoir les gérer et bien les programmer.