Rappels sur l’utilisation des bâtons
– Le terrain : Les bâtons s’utilisent plus particulièrement en montée pour une aide à la propulsion (et non à la traction !) mais également en descente pour réguler les trajectoires et freiner parfois.
– La technicité : sur terrains très techniques, les bâtons deviennent inutilisables. Mais bien entendu, ils peuvent se ranger facilement et leur poids n’est plus un handicap. En terrain très gras, leur utilité est décuplée.
– Le style : les 2 principaux sont le style croisé et la poussée simultanée. Il peut être intéressant d’alterner les deux.
– L’économie d’énergie : sur le papier, l’utilisation des bâtons augmente le coût énergétique de la locomotion puisqu’une masse musculaire plus importante est engagée (haut + bas du corps). Mais ici, c’est l’économie musculaire qui prime car l’action des bâtons soulage le travail des membres inférieurs, et principalement celui des quadriceps en montée. Sur longue distance, le calcul est vite fait et justifie leur utilisation par le plus grand nombre, quel que soit le niveau d’expertise.
Cela étant, il va sans dire que l’utilisation des bâtons n’est bénéfique que si l’on s’en sert correctement, ce qui veut dire que leur maniement requiert un apprentissage.
De même, si vous n’avez pas pratiqué le ski (fond/randonnée/alpinisme) pendant l’hiver, il y a tout un travail musculaire à entreprendre avec quelques séances d’adaptation.
Des séances dédiées
Une fois ce premier apprentissage réalisé, il est important de consacrer des séances spécifiques avec bâtons, et cela à toutes les intensités, en marche comme en course. La technique est un paramètre non négligeable de la performance en trail, ce serait dommage de s’en passer.
Voici un exemple de séance réalisée par un expert, Julien Chorier, traileur élite et manager du team HOKA France.
La séance consistait en une répétition de 8 montées de 100 m d+ sur une pente de longueur 330 m, soit un pourcentage de 31.7, ou une pente de 17.6° pour les puristes. (Pour rappel, le calcul de la pente se fait par rapport à la distance horizontale et non par rapport à la distance réelle).
Sachez que sur une telle pente, le coût énergétique de la locomotion est environ 3.3 fois plus élevé qu’à plat ; cela veut dire que la vitesse est 3.3 fois moindre (ce raisonnement, basé sur le rapport coût de montée/coût à plat, n’est valable que pour des intensités inférieures au seuil anaérobie).
Si on regarde le temps moyen de 4’20 pour 330 m, cela correspond à environ 13 min par kilomètre, soit 4.6 km/h. Si je suis le raisonnement précédent, cela correspond à une vitesse à plat légèrement supérieure à 15 km/h.
Cela ne paraît pas très élevé pour un tel athlète ? C’est normal car la consigne était de ne pas courir, mais de marcher le plus efficacement possible. Et pour corser le tout, Julien a décidé de tester un gilet lesté à 5 kg, mais nous y reviendrons ultérieurement.
Les données recueillies sont intéressantes mêmes si les différences ne sont pas significatives et indiquent simplement des tendances. L’athlète a alterné une montée avec bâtons et une montée sans bâtons, avec la consigne de faire mieux à chaque montée, ce qui a été le cas.
Temps moy | FC moy en bpm | Cadence en ppm | amplitude moy en m | |
bâtons | 04:20.5 | 150.25 | 158.25 | 0.84 |
sans bâtons | 04:17.5 | 152 | 161.75 | 0.78 |
Du coup, les chronos moyens sont sensiblement les mêmes. Côté fréquences cardiaques, c’est la même chose car l’élévation a été proportionnelle à l’intensité. Pour vérifier le lien bâtons/FC, il aurait fallu contraindre l’athlète à respecter un même chrono par montée. La différence la plus notable est finalement l’amplitude du pas.
Avec les bâtons, l’amplitude de pas a toujours été supérieure à celle sans bâtons, quelle que soit la montée et le chrono, alors que la fréquence de pas est inférieure. Si on ajoute à cela des sensations d’aisance musculaire avec les bâtons, et d’avoir les cuisses qui chargent sans les bâtons, on comprend mieux les enjeux du port de ce matériel.
Sans les bâtons, en pente raide, je dois produire plus de force au niveau des membres inférieurs. Pour poursuivre mon effort sans trop de dommages, et par souci d’économie musculaire, je réduis la longueur de mon pas et j’augmente légèrement la cadence. Ainsi, je minimise le coût mécanique externe (le plus coûteux) tout en augmentant légèrement le coût mécanique interne. La présence des bâtons me permet de conserver une longueur de pas efficace tout en m’économisant musculairement. C’est donc un double avantage dans la progression en montée. Cela rejoint les conclusions de différentes études dont celles de Guillaume Millet qui a démontré déjà en 2012 l’importance des bâtons dans la performance en ultra trail.
Cette séance peut se décliner sous plusieurs formes en variant le dénivelé, la pente, la technicité, les intensités… mais veiller à prendre des repères pour mieux comprendre ce qui se passe à l’effort.
2 réactions à cet article
Reynaud Stéphane
Merci encore pour ce bel article.
Peut on extrapoler les mêmes résultats sur des pentes plus faibles de 15-20% plus courantes sur les ultra ?
Merci
Pascal Balducci, expert lepape info
Oui tout à fait Stéphane. ici le pourcentage a été choisi pour que l’athlète ne ressente pas la marche comme contre-nature. A partir de 15%, c’est tout à fait jouable !