Question : Je suis toujours « limite » au niveau des temps de passage sur mes trails et je m’interroge sur ma stratégie. Faut-il prendre du temps au ravitaillement et accélérer entre ou ne pas perdre trop de temps et ralentir entre les différents points ?
La réponse de Sébastien Chaigneau
Voilà un vrai dilemme pour les coureurs qui vont se battre avec les barrières horaires et qui souhaitent terminer dans les temps la course pour laquelle ils se sont préparés depuis longtemps.
Toutefois, si une stratégie peut être établie avant la course (car on sait pertinemment que ce sera « juste »), il est souvent très difficile de la gérer en course, une fois le dossard sur le torse.
Très peu de coureurs ont suffisamment de lucidité pour se dire avant l’effort : « Je suis très juste, alors je prends une stratégie et je la garde » ; durant l’effort : « Je suis un peu fatigué, mais j’ai un peu de temps par rapport aux barrières horaires, je me fais donc une bonne pause puis je gérerai pour rester à la limite le reste de la course… » Ce discours n’est pas impossible, mais impose de disposer d’une certaine fraîcheur physique et mentale.
Il faut ici faire un distinguo entre les hommes et les femmes.
Pour schématiser, l’homme, naturellement, n’est pas du genre à prendre le départ d’une course avec un dossard sur le ventre en se disant : « Je vais gérer. » Il a l’envie d’en découdre et ne va se rendre compte de la réalité qu’après plusieurs heures de course. La stratégie aura été oubliée, il aura alors pris de l’avance sur son planning, aura zappé des ravitos et se trouvera aux pieds d’un mur avec de nouvelles douleurs, une fatigue difficilement gérable et d’autres soucis.
Cette situation de gestion catastrophique de course est bien plus fréquente chez l’homme que chez la femme, qui se laisse beaucoup moins embarquer par son amour-propre. Autre atout, elle est généralement beaucoup plus solidaire et pourra bien plus facilement gérer un planning de temps de passage.
Pour en revenir à la question initiale, il est nettement plus profitable de partir sur une stratégie avec un temps d’effort régulier, en minimisant le temps d’arrêt aux postes de ravitaillement. Pourquoi ? Parce qu’il est toujours plus facile de relancer la machine et de repartir après un arrêt de quelques minutes qu’après un arrêt de 15 ou 20 minutes. Sur un arrêt prolongé, les fibres musculaires se raidissent et les muscles vous disent : « J’en ai assez, je ne veux plus que tu continues à me faire subir ce que tu es en train de me faire vivre… »
Accélérer au départ et/ou entre les ravitaillements puise dans votre organisme et vous payerez tôt ou tard ces variations d’allure.
L’UTMB en exemple
Prenons l’exemple de l’Ultra Trail du Mont-Blanc (vous pouvez adopter cette stratégie sur toutes les courses en étudiant le parcours et les temps de passage – ce que tous et toutes devraient faire sur chaque trail quelles que soient la distance et la difficulté, soit dit en passant).
Vous savez que vous avez 166 kilomètres et 9600 mètres de dénivelé positif à effectuer. Si vous marchez à 4 km/h, sans jamais courir (même dans les descentes), vous pouvez rentrer en moins de 42 heures à Chamonix. Il vous reste dont 4 heures pour gérer les postes de ravitaillement (la mise hors course est fixée à 46 heures). Avec des temps de pause systématiques entre 10 et 15 mn, vous rentrer dans les temps, ce qui n’est pas le cas pour près de 40% des partants, qui prennent le départ et n’arriveront pas…
Il est donc préférable de bien estimer ses forces et ses capacités avant de prendre ce type de départ ; et si vous y allez, alors établissez une stratégie et tenez-la!
Je tiens toutefois à vous rappeler qu’une course de cette ampleur est tout sauf anecdotique. Les conséquences d’une mauvaise préparation, d’une mauvaise gestion de la course ou tout simplement d’une participation sans en avoir le niveau peuvent être désastreuses… même pour une personne qui termine dans les délais horaires.
Votre recherche de reconnaissance vaut-elle ce prix…?
Ceci est une réponse à une question posée à notre expert trail, Sébastien Chaigneau : vous aussi posez votre question à nos experts entraînement