Améliorer sa technique de pédalage

Technique de pédalage, les bases théoriques

Commençons par le commencement, c’est-à-dire la définition même de la technique de pédalage. Il ne s’agit pas seulement de la cadence à laquelle on pédale, il ne s’agit pas non plus du pédalage rond, ou d’accentuer la phase de tirage ou que sais-je…

Cette technique de pédalage correspond à votre manière spontanée de pédaler.

En raisonnement plus scientifique nous dirons que c’est la façon dont la force produite par vos muscles est transférée aux pédales. Pour l’étudier, les chercheurs analysent l’activité musculaire, la cinématique des membres inférieurs et la cinétique de la force de pédalage.

 

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Figure 1. Image tirée du logiciel Shimano bikefitting lors d’une étude posturale réalisée par un cycliste.

 

Si vous avez déjà fait une étude posturale, des analyseurs de pédalages permettent de déterminer cette efficacité, en évaluant l’orientation de l’application des forces au cours du cycle de pédalage. Cette analyse de la force totale appliquée à la pédale est réalisée dans le plan sagittal, imaginez simplement que vous observez les mouvements du pied comme si une caméra filmait de côté. On parle alors de force efficace c’est-à-dire la part totale de la force produite par les muscles, appliquée sur la pédale, perpendiculairement à la manivelle.

Pour résumer moins le pied appuie perpendiculairement à la manivelle et moins la force efficace est importante. In fine, l’économie énergétique s’en trouvera impactée et amoindri, on dépensera donc plus d’énergie pour pédaler à la même puissance que quelqu’un qui aurait une force efficace plus élevée.

Vous allez me dire que ce type d’analyse ne peut se faire qu’en laboratoire, et c’est précisément là que vos vous trompez. Maintenant, grâce à l’apparition des capteurs de puissance, avec jauges de contraintes au niveau des pédales, on peut avoir ce type d’informations.

On remarquera alors sur son ordinateur de bord, un indice nommé généralement IFE pour Index of Force Effectiveness ou Torque effectiveness, qui correspond au ratio de force efficace, à la force totale appliquée à la pédale, plus communément appelé l’efficacité de pédalage. Donc avec un peu d’argent pour s’équiper on peut déjà observer plus finement sont efficacité de pédalage.

 

 

Les muscles pourvoyeurs d’une bonne technique de pédalage ?

Cette technique de pédalage est en fait contrôlée par le système nerveux central, notre cerveau. Eh oui, on oublie parfois un peu rapidement qu’une bonne technique de pédalage passe par une bonne transmission de l’information entre le cerveau et les muscles.

Alors aficionados du pédalage à basses ou hautes cadences, tout ne se résume pas à cela pour améliorer la technique de pédalage et il va falloir trouver des exercices qui agissent directement sur le contrôle « nerveux » moteur afin de permettre un fonctionnement plus harmonieux des muscles entre eux.

Revenons au fonctionnement de ces muscles au cours des phases de pédalage. Traditionnellement on découpe le cycle de pédalage en 4 phases, la poussée, la phase de transition basse (ou point mort bas), le tirage et la phase de transition haute (ou point mort haut).

Il faudra pour un mouvement le plus efficace possible, que les muscles extenseurs et fléchisseurs de la hanche, du genou et de la cheville entrent en action, afin de réaliser au mieux ces 4 phases. C’est ce que l’on appelle les synergies musculaires du pédalage.

 

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Figure 2. Adapté de Hug F, Dorel S. Electromyographic analysis of pedaling: a review. J Electromyogr Kinesiol. 2009 Apr;19(2):182-98.

Tout d’abord la phase de poussée (en bleu). Elle va s’effectuer grâce à l’action conjugué des muscles extenseurs des trois articulations citées précédemment. Tout d’abord le gluteus maximus (GMax) ou grand fessier ainsi que le biceps femoris (BF), associé au vaste médial (VM) et latéral (VL) et le rectus femoris (RF). Au niveau de la cheville nous parlerons des gastrocnémiens (GM et GL) et in fine le soleus (SOL) ou muscle soléaire (mollet).

Pour la phase de transition basse, les muscles stabilisateurs de la cheville (GM, GL) ainsi que les ischio-jambiers (SM semi membraneux et BF) assurent la continuité du mouvement et permettent à la fois la flexion plantaire mais également l’amorce de la flexion des articulations de la hanche et du genou.

 

La phase de tirage (en vert sur le graphique) nécessite elle aussi une bonne coordination intermusculaire faisant appel aux muscles fléchisseurs de la hanche et du genou. En effet, le RF fléchisseur de hanche, associé aux GM, GL, SM et BF fléchisseurs de genou, vont permettre un retour de pédale efficace. Le tout contrôlé par le tibialis antérior (TA) qui assure la flexion plantaire et surtout la stabilité de la cheville.

La phase de transition haute va quant à elle faire appel principalement au TA ainsi qu’au muscles de la cuisse que sont les VM, VL RF et le grand fessier (Gmax). Mais elle sera totalement dépendante de votre dorsiflexion.

 

Vous l’aurez saisi, une grande quantité de muscles doivent interagir en même temps au cours d’un cycle de pédalage et il ne faut pas oublier tout de même que lorsque la jambe droite se trouve en phase de poussée la jambe gauche est sur une phase de tirage. Le cerveau doit donc « dealer » avec ce travail en opposition ce qui nécessite une grande coordination.

Il faudra de ce fait faire un gros travail de coordination permettant d’améliorer le fonctionnement du système nerveux central afin de transmettre les bonnes informations aux bons muscles, au bon moment.

 

 

L’étude des différentes techniques de pédalage.

Dans un article paru en 2019 dans la revue « The journal of Sports Medicine and Physical Fitness », Sébastien Duc, William Bertucci et Frédéric Grappe ont tenté de mettre à jour des stratégies, afin d’améliorer la technique de pédalage. Ils ont pour ce faire répertorié les différentes façon de pédaler observées à partir de l’analyse EMG, ainsi que de la mesure de l’efficacité du pédalage. Ils ont ensuite essayé de déterminer si une technique de pédalage prévalait sur une autre et enfin si des exercices spécifiques pouvaient améliorer cette technique de pédalage.

Quatre profils types de pédalage types furent étudiés parmi lesquels : la technique préférée ou spontanée, la technique de pédalage centrée sur la poussée, la technique de pédalage centrée sur le tirage et la technique du pédalage rond.

 

La technique préférée : c’est finalement la technique de pédalage spontanée que les cyclistes utilisent. Les sollicitations musculaires vont être semblables à celles décrites dans la partie précédente sur les muscles impliqués au pédalage. Dans ces conditions « naturelles » de pédalage plusieurs profil sont observés comme des pédalages ronds ou à tendance à tirer mais une bonne proportion est centrée sur une poussée prédominante. Ceci à tendance à d’autant plus être marqué que les cyclistes sont faiblement expérimentés dans la pratique. De plus, les cyclistes expérimentés lorsqu’ils utilisent leur technique de pédalage spontanée ont une plus grande reproductibilité dans les sollicitations musculaires au cours des cycles de pédalage. Le novice quant à lui montrera davantage de variabilité dans les sollicitations musculaires notamment au niveau des muscles permettant les mouvements de cheville ainsi que des co-contractions parasitaires qui vont accroitre les niveaux de fatigue neuromusculaire beaucoup plus rapidement.

 

La technique centrée sur la poussée : cette technique implique une force produite lors de la phase de poussée plus importante que d’accoutumée. Cette technique est généralement davantage utilisée par les débutants et les personnes possédant une masse musculaire importante au niveau des jambes. Même si l’efficacité de pédalage est réduite durant la phase de tirage, elle est augmentée d’une telle proportion en phase de poussée que l’efficacité sur la révolution entière est comparable à celle de la technique naturelle de pédalage vue précédemment.

Cette technique de pédalage va de fait forcément augmenter l’activation des muscles extenseurs des membres inférieurs notamment les plus impliqués dans la phase de poussée comme le Gmax, VM, VL et le RF.

Attention au recours systématique à cette technique de pédalage lors de changements de rythme en course car il est possible qu’une fatigue neuromusculaire prématurée apparaisse d’autant plus si elle est associée à un braquet qui devient plus difficile. On le verra ensuite mais conserver son développement en augmentant légèrement la cadence et en insistant sur la phase de tirage limiterait l’apparition précoce de la fatigue.

 

La technique centrée sur le tirage : les personnes vigilantes à bien mettre en place cette phase de tirage on de manière générale une meilleure efficacité de pédalage que pour tout autre technique mise en place. Ceci est simplement dû au fait que l’efficacité durant la phase de tirage diminue drastiquement donc le fait de se concentrer sur ce travail spécifique limite grandement la perte d’efficacité sur ce secteur de la révolution de pédalage. De plus grâce à un retour sur ce qui est réalisé en temps réel (Feedback) les cyclistes vont pouvoir s’améliorer encore. Le feedback a donc une grande importance dans ce travail de tirage. Bien sur ce genre de pédalage sera plus facilement travaillé sur home trainer car on aura simplement à se concentrer sur cet aspect de tirage et se fera avec l’utilisation de pédales automatiques.

Par contre il est clairement admis que ce sont les cyclistes inexpérimentés qui vont davantage bénéficier de ce travail spécifique. Attention être inexpérimenté s’entend comme débuter la pratique mais également pour les personnes n’ayant jamais réfléchis à cette technique de pédalage.

Au niveau de l’activation musculaire au cours du pédalage, le BF est davantage sollicité et ce tout au long du cycle de pédalage mais surtout durant la phase de tirage. L’activité du RF diminue durant la poussée mais augmente au tirage. Il semblerait mais rien n’est encore très clair d’un point de vue scientifique que les VM et VL diminuent leur activité durant la poussée.

Néanmoins l’activité des GL, GM, SOL et TA reste inchangée malgré cette technique de pédalage axée sur le tirage. En résumé les quadriceps semblent moins activés durant la phase de poussée ce qui limiterait et retarderait l’apparition de la fatigue neuromusculaire malgré le fait que les muscles impliqués dans cette phase de tirage (muscles fléchisseurs du genou et de la hanche) soient davantage sollicités. Encore une fois ceci semble davantage vrai sur les cyclistes expérimentés qui utiliseraient davantage le BF et moins les vastes que les novices. Les experts tirent spontanément plus sur les pédales alors que les novices ont tendances à davantage accentuer la phase de poussée.

 

Le pédalage rond : l’objectif de cette technique est d’avoir une meilleure distribution de la force appliquée à la pédale sur l’ensemble de la révolution notamment au niveau des phases de transition.

Ce pédalage rond serait davantage observé chez les vététistes en comparaison aux cyclistes sur route ou piste notamment car moins le pédalage est rond plus on a de risques de voir sa roue arrière déraper, glisser ou butter sur des obstacles.

Pour assurer une bonne gestuelle, il va falloir mobiliser davantage la cheville notamment sur ces phases de transition. Cela se produira en réalisant une dorsiflexion plantaire plus importante sur la phase de transition haute afin d’obtenir une poussée « plus horizontale » en y associant un talon qui s’orientera vers le bas. Il faudra également réaliser une flexion plantaire plus prononcée lors de la phase de transition basse accompagnée d’un talon qui se lève davantage. Cette flexion plantaire se nomme également le griffé en course à pied, donc imaginez que vous souhaitiez avec vos orteils frotter le bout de la chaussure sur le sol au fur et à mesure que vous approchez et franchissez le point mort bas.

Ainsi la liberté de mouvement sur la cheville pour les personnes qui ont un pédalage plus rond que la moyenne sera plus élevé que les personnes utilisant les autres techniques de pédalage.

Scientifiquement, peu de travaux furent réalisés sur la comparaison de ce profil vis-à-vis des autres et des activations musculaires respectives. Mais il semblerait que l’activation du GL sur la phase de dorsiflexion soit un élément clé de la différence de technique de pédalage.

 

Ce qu’il faut retenir c’est que l’efficacité de pédalage est nettement améliorée avec un pédalage centré sur les muscles permettant de réaliser la phase de tirage tirage (muscles fléchisseurs des hanches, genou) que font plus volontiers les coureurs expérimentés, ce qui leur permet de retarder les effets de la fatigue, contrairement aux novices. La conséquence de cela, est qu’un travail spécifique de tirage est moins efficace chez ces cyclistes entraînés.

Il sera donc intéressant dans les activités cyclistes, de développer ces muscles fléchisseurs au travers du travail d’unijambiste sur vélo ou de pédalage avec manivelles décalées. Nous ne pouvons pas non plus oublier le travail en salle de musculation, sur appareils ou charges libres.

Et comme d’habitude, plus ce travail sera amorcé jeune, plus il aura un impact favorable sur vos capacités de coordination. Attention, cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas le réaliser si cela fait 20 ans que vous faites du vélo et que vous avez plus de 45 ans, tout travail nouveau permet de nouvelles adaptations, retenez-le !

 

 

Une façon optimale de pédaler afin d’améliorer son efficacité ?

La réponse semble être négative dépendamment du référentiel que l’on utilise. Si on prend l’indice d’efficacité de pédalage (IFE) des choses apparaissent comme positives et le travail en tirage semble avoir un réel impact. Maintenant si en demandant un travail de tirage on observe une amélioration de l’IFE, il est à noter que le cout énergétique de ce pédalage est plus important.

En résumé, la répartition des forces est meilleure mais nécessite beaucoup plus d’énergie pour faire avancer le vélo. Il n’est donc pas évident que nous souhaitions aller dans cette direction, même s’il semblerait que de travailler la technique du tirage permettrait certes d’améliorer sa coordination intermusculaire, d’améliorer la mobilité de la cheville sur la phase de tirage mais également de minimiser l’implication musculaire sur la phase de poussée.

Ceci signifierait que le recours à une technique de pédalage en tirant davantage permettrait de reculer dans le temps le seuil de fatigue notamment des muscles impliqués dans la phase de poussée et semblerait être intéressant notamment pour des épreuves d’endurance ou l’arrivée se jugerait au sprint.

Et si nous allions également pratiquer le vtt car il semblerait que certaines études montrent une capacité des vététistes à avoir un pédalage plus « rond », comme nous l’avons montré sur le profil de pédalage correspondant.

À défaut de définir la méthode de pédalage la plus efficace si tant est qu’elle existe, cela donne en tout cas des pistes de travail à l’entraînement.

 

 

Méthodes d’entraînement de la technique de pédalage

Il faut tout d’abord savoir que contrairement à ce que l’on pourrait penser les coureurs professionnels ont tendance à appliquer un pourcentage de force à la poussée légèrement inférieur au pourcentage que l’on retrouve chez des athlètes de moins bon niveau comparativement aux autres phases de pédalage.

Ce mécanisme est mis en place car le coureur pro est en revanche capable d’avoir une phase de tirage beaucoup plus efficace que l’amateur. Cette façon de pédaler est éminemment liée aux heures de selles accumulées par les professionnels et il semblerait que même chez les amateurs ceux qui ont un plus grand volume de pratique vont plus volontiers dans le pattern de pédalage des coureurs professionnels.

Afin de pouvoir améliorer cette phase de retour de pédalage plusieurs méthodes d’entraînement peuvent être mises en place. Les chercheurs, auteurs de cet article, en proposent trois grandes mais nous verrons que nous pouvons très facilement en ajouter.

On note le pédalage unijambiste, le pédalage avec feedback sur le IFE, ou encore le pédalage avec pédalier asymétrique comme le propose la marque PoweCranks notamment.

 

Débutons dans l’ordre par le pédalage unijambiste. Attention, je préfère vous avertir de suite, on arrête le pédalage une jambe, avec l’autre jambe dans le vide déclipsée.

La raison à cela ? Une position totalement différente de la position classique sur le vélo mais par-dessus tout, vous aller potentiellement augmenter et décaler l’appui des fessiers sur la selle et peut être engendrer des compressions notamment de la zone périnéale. Autre élément, vous risquez de décaler le bassin au pédalage et donc créer des tensions inutiles.

Je me rappelle lors de la convalescence de Christopher Froome après sa grosse chute, il avait repris le pédalage une jambe, en mettant coté « jambe morte » un tabouret à hauteur de manivelle lui permettant de poser et d’aligner sa jambe et son bassin afin d’éviter tout risque complémentaire de blessure. C’est déjà beaucoup mieux que de laisser la jambe déclipsée dans le vide.

L’optimal, est de laisser les deux pieds clipsés aux pédales et d’apprendre à votre corps et donc votre cerveau la « bilatéralité ». Vous allez observer que vous ne pourrez pas vous empêcher de forcer avec la jambe qui ne doit pas faire l’exercice.

Puis, au bout de quelques minutes, vous commencerez à ressentir que vous êtes capable de dissocier les deux mouvements, c’est à dire une jambe qui travaille et l’autre qui ne fait que suivre le mouvement. Grâce à cela, vous ferez un travail musculaire plus efficace car mieux coordonné.

Mais revenons à l’intérêt de ce travail une jambe, il sert normalement à vous apprendre à mieux gérer les phases de transition de pédalage haute et basse et donc à mieux travailler votre dorsiflexion ainsi que votre flexion plantaire. Mais soyez vigilant lors des premières séances car la charge appliquée au niveau des muscles fléchisseurs de la hanche et du genou est plus importante qu’à l’accoutumée et ils vont donc se fatiguer prématurément et accentuer le travail des muscle extenseurs.

Quoiqu’il en soit, soyez progressifs dans vos séances et dans la durée et l’intensité des répétitions d’exercice. J’ai tout de même déjà entendu des gens, qui ont développé des hernies inguinales à cause d’un travail unijambiste trop important…. Donc une chose est sure, si vous souhaitez travailler de cette façon, renforcez vos abdominaux et vos muscles para vertébraux… et allez-y avec parcimonie.

 

Autre axe de travail, avoir en temps réel des retours d’information sur notre efficacité de pédalage. Il y a quelques années de cela sur Instagram, j’avais vu Mathias Fluckiger, l’un des meilleurs vététistes actuels, travailler sa technique de pédalage grâce à ce moyen et pour ne pas le citer le « Pedal Analyzer » de chez Shimano Bikefitting.

Aujourd’hui avec les pédales capteur de puissance et un ordinateur de bord, il est possible d’avoir les mêmes informations et donc de conserver un œil particulier sur ces valeurs au cours des séances.

Maintenant que l’on sait que nous pouvons facilement effectuer ce travail, que nous dit la science ? Les deux seules études connues à ce jour, ont proposé à deux groupes, l’un de contrôle et l’autre de cyclistes expérimentés, de faire 10 à 12 séances d’entraînement de 30 min chacune à 60 % PMA, en insistant sur la phase de tirage lors du pédalage. Durant ces séances, hormis le groupe contrôle, les autres sujets avaient en direct des informations sur les niveaux de force générés.

Les résultats montrèrent une augmentation de la force efficace développée au point de transition bas et une plus faible force efficace au niveau du point mort haut ainsi que sur la phase de poussée. Le groupe contrôle a observé les mêmes résultats hormis sur la phase de tirage alors qu’ils n’avaient aucune information sur ces niveaux d’efficacité.

L’une des deux études est même allée plus loin, montrant qu’une semaine après les dernières évaluations, ce pattern de pédalage spécifique fut reproduit. Malheureusement, rien ne viendrait confirmer qu’après ce type d’entraînement et suite à un retour à un pédalage dit « préféré » ces nouvelles adaptations persistent.

Donc au final, pas de panique s’entraîner même sans feedback sur votre technique de pédalage n’a que peu d’influence sur votre efficacité et donc le simple fait de bien se concentrer sur les différentes phases de pédalage au cours d’un exercice spécifique vous permettra de progresser et peut être de conserver vos nouvelles acquisitions.

 

Il existe depuis pas mal d’années des pédaliers où les deux manivelles sont indépendantes l’une de l’autre. Le gros avantage de cet outil est en théorie de permettre l’amélioration la coordination entre les membres inférieurs et de fait faciliter la transmission du message nerveux du cerveau aux muscles. L’amélioration prendrait place car les cyclistes essayant ces dispositifs doivent en permanence exercer une force sur la manivelle en tout temps de sa rotation pour permettre l’avancement.

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Figure 3. Pédalier PowerCranks. Crédit photo www.powercranks.com

 

Malgré un total de 5 études répertoriées sur le sujet, une seule montrera un avantage sur l’économie d’énergie, après 6 semaines d’entraînement chez des triathlètes débutants. Il est fort à parier que cet avantage soit totalement lié au niveau de pratique de ces sportifs et de fait, moins le niveau de performance est important plus on tirerait profit de pédaliers de ce type-là.

Au niveau du pattern de pédalage, on retrouve avec l’utilisation de manivelles désynchronisées une activation musculaire qui est très proche du travail unijambiste avec les muscles impliqués dans la phase de tirage très activés et une phase de poussée allégée.

De ce fait, l’efficacité de pédalage est deux fois plus importante avec un appareil du type PowerCranks comparativement à un pédalier classique. Enfin, l’amélioration du pédalage aperçu à ces basses intensités (autour de 100 W dans les différentes études) et chez des sujets peu expérimentés semblerait disparaitre après seulement deux semaines de vélo avec pédalier traditionnel.

 

Voici ici présenté les trois types de travail que propose cette étude mais ne pourrions-nous pas aller un peu plus loin dans la démarche de réflexion sur la potentielle amélioration de la coordination intra et intermusculaire ?

 

Tout d’abord restons dans notre famille cycliste avec la pratique du VTT qui pourrait être un moyen pour des cyclistes routiers d’améliorer leur efficacité de pédalage. En effet, au cours de cette activité, le recours à un pédalage plus rond est davantage utilisé car sur des sols accidentés, ou boueux, notamment en bosse, un pédalage qui mettrait l’emphase sur l’une ou l’autre des parties du cycle de pédalage pourrait entrainer des déséquilibres par glissement de la roue arrière ou des déséquilibres et une perte de contrôle de la roue avant. Donc si vous souhaitez améliorer la fluidité et l’efficacité de votre pédalage, plus aucune raison de ne pas tester le VTT cette année.

Certains me parleront également du pignon fixe et ou du fixie, je vous avoue que je ne suis vraiment pas fan de ce travail surtout en reprise d’activité car il peut engendrer de forte tensions ligamento-articulaires. Mais, bien utilisée cette technique pourrait également vous apporter des éléments de progression mais je pense qu’il ne faut vraiment pas jurer que par ça. Les résultats seront beaucoup plus intéressants avec les méthodes citées précédemment.

J’en viens maintenant à des formes d’entraînement qui sortent du cyclisme. Lorsque je reçois des personnes en étude posturale, je passe toujours du temps à comprendre quel a été leur parcours sportif. Cela me permet simplement de commencer à appréhender quelles pourraient être leurs limitations de souplesse et in fine la tolérance aux modifications de réglages quelles pourraient avoir suite à l’étude. J’ai pu faire au cours de ces entretiens toujours le même constat, qui est totalement empirique mais qui a le mérite de me faire réfléchir.

J’ai systématiquement constaté que les personnes ayant le passif sportif le plus riche, c’est-à-dire ayant pratiqué différentes activités dans leur vie et notamment des sports collectifs, de la gym ou du triathlon étaient systématiquement celle qui avaient la meilleure efficacité de pédalage. Cela devenait d’autant plus marrant à constater lorsque je tombais sur des cyclistes qui pratiquaient depuis plus de 30 ans et qui cherchaient à optimiser leur pédalage via l’ajout de pédaliers ovales et qui avaient des efficacités de pédalage deux fois moins bonnes que celles des inexpérimentés…

 

Conclusion, je pense que le cycliste ne doit pas tout le temps raisonner « cyclisme ». Cela veut dire que d’aller tester de nouvelles pratiques sportives va enrichir ce que l’on nomme, son « répertoire moteur ». Ce répertoire moteur, est le logiciel présent dans votre cerveau, qui va être capable en fonction d’une situation sportive de répondre de la façon la plus appropriée, en vous faisant contracter ou décontracter certains muscles et réaliser l’actions motrices adéquates.

Plus vous enrichirez ce répertoire moteur de nouvelles actions ou interactions plus vous serez à même de pouvoir gérer des coordinations fines. Cela sera d’autant plus efficaces que vous n’avez pratiqué toute votre vie que du vélo…

Et puis quelle joie de découvrir de nouvelles activités, donc franchissez le cap et allez courir, nager, tenter des shoots au basket, faire de l’escalade, du ski de fond, boxer, faire de la corde à sauter…

Et ma transition est toute faite vers d’autres activités propices à une amélioration de la coordination. Quand on parle de qualités physiques celle de la souplesse, de la coordination et de la vitesse sont abordées mais concrètement jamais travaillées. Je pense que pour ce faire il serait intéressant de se rapprocher des sports comme le football, ou l’athlétisme qui vont faire ce que l’on nomme de l’agilité, de la réactivité…

Vous l’avez déjà observé j’en suis certain, quand des joueurs font des exercices dans de petits espaces avec des échelles de rythme au sol, des plots, des cerceaux, des mini haies… ou encore quand les athlètes sautent de marches en marches dans les gradins de stades… Toutes ces formes de travail seront fortement intéressantes afin d’améliorer notre schéma moteur, encore lui !

Enfin et on l’oublie trop souvent, la musculation va permettre d’améliorer sa coordination générale. Elle va de plus permettre de cibler des muscles parfois peu ou pas développés du tout notamment les fléchisseurs de hanche et de genou. Un travail isolé ou en chaine sur ces muscles à partir d’appareils de musculation ou de charges libres vous permettra de progresser en cyclisme et sans forcément prendre de poids.

 

Conclusion

Difficile de conclure à une technique de pédalage plus efficace qu’une autre mais vous l’aurez compris le maitre mot de la progression est la diversité des actions motrices entreprises. Plus vous serez capable d’enrichir votre répertoire moteur, plus vous améliorerez votre efficacité de pédalage. Il vous faudra en tout cas au cours de vos compétitions réutiliser votre pédalage spontané ou préférentiel car c’est avec celui-là que votre corps est le plus à l’aise et pour lequel vous êtes le plus économe énergétiquement.

Mais retenez également que la tendance que nous avons tous et toutes en cyclisme est que plus l’effort demandé est long plus la cadence de pédalage diminue.

Dans ces futurs moments pensez à moi et à cet article et au lieu de descendre la chaine sur la cassette et de pédaler à une cadence toujours plus basse, concentrez-vous un peu plus et montez une dent accentuez la phase de tirage et vous verrez, c‘est promis, votre vitesse de déplacement va augmenter et votre cadence se stabilisera.

Enfin, chaque personne à un profil de pédalage qui lui est propre et donc des activations musculaires définissant une signature unique mais que l’on soit un Chris Froome avec des cadences qui s’envolent ou un coureur avec des jambes qui tournent peu comme Stéphane Tempier en VTT, on peut tout de même atteindre l’excellence dans son sport.

 

 

Pour aller plus loin :

  • Duc S, Bertucci W, Grappe f. Strategies for improving the pedaling technique. J Sports Med phys fitness 2019;59:2030-9.
  • Faria I, Cavanagh PR. The physiology and biomechanics of cycling. New Yok: John Wiley and Sons; 1978.
  • Lafortune M, McLean B. Biomechanical investigation of pedaling techniques of elite and recreational cyclists (Technical Report). In: Aus­tralian Sports Commission, Technical Report; 1989.
  • Chapman AR, Vicenzino B, Blanch P, Knox JJ, Hodges PW. Intra­muscular fine-wire electromyography during cycling: repeatability, nor­malisation and a comparison to surface electromyography. J Electromyogr Kinesiol 2010;20:108–17.

 

 

Cyril GRANIER

Docteur en sciences du sport

Entraîneur Cyclisme

Bike Fitter, Level 2 IBFI

www.cgperformance.fr

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Instagram : cyrilgranierperformance