Depuis quelques années les réussites sportives comme les écrits scientifiques se sont accordés sur un fonctionnement : le « no pain no gain » (on a rien sans rien) resterait la clef de la réussite mais pas à n’importe quel prix.
Evidemment, des cas spécifiques ne s’inscriront pas dans ce schéma. Avant de jouer sur la charge en proposant des contenus plus difficiles que lors des blocs précédents il faudra déjà maitriser les bases.
Par exemple, si vous vous lancez dans une préparation marathon avec une qualité de pied et une économie de course aux abonnés absents, il sera sans doute plus bénéfique pour votre performance terminale qu’une large part de votre entraînement soit dédiée à ces aspects, plutôt qu’à celle du volume et de l’intensité.
Nous parlons ici d’athlètes pour lesquels le progrès chronométrique passera périodiquement, voir essentiellement par la recherche de charges difficiles. Ce choix pourra donc potentiellement amener à des gains plus ou moins importants par un phénomène d’adaptation, comme un effet dose-réponse où le stress d’entraînement imposé permettra après une phase d’assimilation, de récupération, de réussir à passer un nouveau palier.
Mais, cela semble être le cas uniquement lorsque ce stress ne dépassera justement pas nos « fameuses » capacités de récupération. C’est-à-dire lorsque la charge ne deviendra pas négative.
En clair ? Tant que vos séances d’entraînement calibrées passent, tout va bien ! Si vous vous imposez ce type de planning d’entraînement, même avec les jambes lourdes et fatiguées des séances précédentes, vous connaitrez à l’avance les chronos qui devraient être réalisées sur une séance d’intensité. Bien sûr dans un bon jour peut-être seriez-vous capable de courir 1 sec plus vite vos 400 m où à l’inverse 1 sec plus lentement si vos « grosses » jambes ont rendu la tâche un plus difficile. Mais dans ces deux cas, vous avez simplement validé la séance. A savoir, le nombre de répétition souhaitées, à l’allure prévue et sans toucher aux récupérations.
A l’inverse, lorsque vous passez du mauvais côté, lorsque vos séances ne passent plus, il est clairement temps de lever le pied en réduisant la charge, principalement en diminuant l’intensité qui reste de façon générale l’impact physiologique le plus puissant sur nos capacités à soutenir les charges.
Et si vous continuez à insister ? Certes la fatigue s’accentuera mais surtout le rebond de performance sera médiocre, voir même absent. Les dommages pourront être plus profonds avec une très forte augmentation du risque de tomber malade, de se blesser, de connaitre une dégradation du sommeil, une modification des comportements alimentaires, des capacités de concentration, de l’humeur ou encore de la libido. Bref, une période pas très réjouissante pour des gains rarement au rendez-vous. Cette étape que nous avons tous connu en prenant quelques risques dans notre préparation ou tout simplement car des facteurs extérieurs auront pu rendre la réalisation des séances trop difficiles (stress, examens, déplacements, saisonnalité, problèmes personnels, etc.) est définie comme le surmenage non fonctionnel, voir dans quelques rares cas plus profond le surentraînement. Dans le premier cas après quelques semaines plus légères tout reviendra à la normale. Dans le second, des mois, voire des années seront nécessaires.
S’entraîner dur mais pas à n’importe quel prix prend donc ici tout son sens !
Un nouvel axe de surveillance de nos états de fatigue ?
Les causes semblent être multifactorielles : une phase d’entraînement mal calibrée et/ou des facteurs extérieurs qui ajoutées à la pratique physique pourront faire exploser la cocotte-minute. Une récente étude dirigé par Johanna Lanner de l’Institut Karolinska en Suède vient encore augmenter les possibles causes. Vous pourriez vous dire que cela commence à faire beaucoup de facteurs à surveiller, mais comme souvent cela sera assez basique et permettra surtout de prendre du recul sur sa pratique pour réussir gérer au mieux ses préparations.
D’un point de vue de la recherche dans les sciences du sport et plus spécifiquement pour les sports d’endurance, nous nous sommes le plus souvent centrés sur des marqueurs physiologiques : cardiovasculaires, surrénaliens, hormonaux, immunologiques, neurologiques et de plus en plus en y adjoignant des aspects psychologiques. J.Lanner et son équipe ont pris le parti de se concentrer sur les muscles. Ceux-là même qui nous font avancer que nous soyons cyclistes, triathlètes, coureurs à pied, trailers, etc.
Nous nous concentrons pourtant presque exclusivement sur un entraînement des facteurs physiologiques : seuil, VO2max, caisse, endurance de base, etc… Pourtant nos chers petits muscles nous rappelleront très souvent qu’ils ont pris leur part du travail lorsque nous sortirons du lit le matin. Nous sommes de plus en plus nombreux à l’avoir compris en incluant dans notre planning de préparation du renforcement, de la musculation, de la pliométrie, des sprints ou du travail d’appuis.
Au niveau musculaire, l’entraînement est un cycle répété et constant de stress et de récupération. Un entraînement intensif provoquera différentes perturbations métaboliques et structurelles dans nos fibres musculaires, qui à leur tour amèneront à des adaptations à l’issue de périodes de récupération, se traduisant dans nos pratiques par un potentiel gain de performance : prise de force, de réactivité au sol, d’endurance musculaire, etc.
Ces perturbations seront positives si elles restent temporaires. Mais si elles deviennent chroniques, par exemple parce que nous ne récupérons pas suffisamment dans l’enchaînement des entraînements, certes nous fatiguerons, mais surtout les phénomènes de récupération et d’adaptation ne pourront être suffisants pour enchaîner sur la séance prévue et la réaliser suivant l’objectif fixé.
Ce n’est pas seulement notre niveau de force maximale qui est affecté, un exercice sous-maximal relativement léger peut devenir très difficile à réaliser. Cet effet peut durer des jours, voire des semaines après un seul entraînement de trop.
Johanna Lanner et son équipe proposent quatre principales explications à ces dérèglements musculaires en période de surmenage non fonctionnel ou de surentraînement :
Épuisement des réserves en glycogène
Il réside sur le concept selon lequel l’épuisement chronique du glycogène, la forme sous laquelle les fibres musculaires stockent les glucides, interfère avec la capacité de ces fibres à générer de la force en période d’importante fatigue. Cela semble presque trop simple, mais il est en fait tout à fait plausible que les athlètes qui s’entraînent à des niveaux importants ou ayant dans le même temps un rythme de vie intense auraient du mal à répondre à leurs besoins en carburant.
Un chercheur allemand du nom de Lehmann, l’un des précurseurs dans la recherche sur la gestion des charges d’entraînement, prenait le parti pour les emmener dans des états de fatigue poussés, soit d’augmenter leurs charges sans toucher aux apports glucidiques ou à l’inverse de diminuer les apports glucidiques sans toucher à la charge, le résultat étant le même : une baisse des performances.
C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé l’étude sur les cétones ayant fait tant de bruit l’année dernière (https://www.lepape-info.com/actualite/les-cetones-nouveau-produit-miracle-du-peloton/) nous faisant croire suite aux grands titres d’un site non spécialisé en une augmentation farfelue des performances via ce complément alimentaire.
Pour rappel, il a été demandé à des cyclistes loisirs d’augmenter leurs charges de façon exponentielle pendant 3 semaines. Un groupe tenaient de façon ahurissante et beaucoup plus longuement un test d’endurance lorsque l’autre groupe s’effondrait. Leurs différences ? Le premier augmentait ses apports caloriques quotidien en y adjoignant une boisson à base de cétones. Le second avait mangé dans les mêmes proportions qu’avant l’augmentation de l’entraînement.
Ne pas consommer suffisamment de glucides vis-à-vis de nos besoins pourra faciliter des états de fatigue importants, mais en consommer suffisamment, à lui seul, ne semblera pas l’empêcher.
Dommages musculaires
C’est l’explication classique des courbatures du lendemain : un entraînement difficile provoquera des dommages à nos fibres musculaires. De façon générale, ces dernières se répareront toute seules et nous rendront finalement plus fort… à moins que l’équilibre entre ces dommages et leur réparation ne soit déséquilibré !
Malgré tout, alors que le lien entre des fibres musculaires endommagées et des muscles plus faibles semble intuitivement évident, les études ne semblent pas trouver une bonne corrélation entre la quantité de dommages visibles et la capacité à encaisser. Les dégâts sont là, mais ils ne semblent pas directement causer les problèmes. Ils pourront potentiellement expliquer une réduction transitoire des chronos par notre incapacité à réaliser le geste souhaité ou du moins en étant aussi efficace, mais si l’on adopte les bonnes stratégies de récupération tout reviendra à la normale, démontrant bien que le nœud du problème n’est pas ici.
Inflammation et cytokines
Les cytokines n’ont malheureusement jamais été aussi populaires qu’actuellement lors des débats télévisés de spécialistes médicaux en temps de COVID-19.
A l’issue de nos séances d’entraînement, une quantité limitée d’inflammation, induite par de petites protéines appelées cytokines se produira comme une réponse normale visant à « réparer » nos muscles, de la même façon que pour répondre à une légère agression du système immunitaire. Or, après une forte charge d’entraînement associée à une récupération insuffisante ou dans un contexte d’augmentation du stress comme en altitude par exemple, pourront être mesurés sur plusieurs jours des taux de cytokines élevés associés à une importante inflammation pouvant alors interférer sur la fonction musculaire.
Cette réponse inflammatoire peut déclencher un potentiel cercle vicieux : les cytokines conduisent également à une augmentation du stress oxydatif, qui à son tour déclenche la libération de d’avantage de cytokines, augmentant à nouveau le niveau d’inflammation, favorisant une nouvelle augmentation du stress oxydatif, etc., ce qui nous amène au cœur de l’argument de Lanner : le stress oxydatif.
Stress oxydatif
Même si les auteurs présentent quatre théories, leur intérêt principal réside dans l’idée que le stress oxydatif (la présence excessive de molécules endommagées appelées espèces réactives oxygénées) est un facteur clé avancé depuis de nombreuses années dans la compréhension des raisons et/ou impacts d’une fatigue physique trop importante.
Il est vrai, selon au moins certaines études, que les athlètes surentraînés présentent des niveaux élevés de stress oxydatif. Nous pourrions penser qu’il existe une solution simple si bien avancé par le marketing alimentaire : prendre des suppléments antioxydants pour neutraliser les espèces réactives de l’oxygène. Mais il s’avère que le rôle du stress oxydatif dans le corps est diaboliquement compliqué.
Comme l’inflammation, le stress oxydatif sert également de signal clé indiquant à notre corps de s’adapter à ce stress, et ainsi répondre aux principes de la dose/réponse = je calibre au plus juste mes entraînements et leurs agencements, pour m’y adapter et en ressortir plus fort.
Bien que le sujet soit toujours débattu parmi la communauté scientifique, il existe de nombreuses preuves que l’utilisation régulière de suppléments antioxydants pourra atténuer les gains de l’entraînement.
En règle générale, le muscle au repos reste dans un état oxydatif légèrement « réduit ». Lorsque vous commencez à faire de l’exercice, cela génère un stress oxydatif, qui met en fait votre muscle dans un équilibre optimal entre état réduit et oxydation, maximisant par exemple la quantité de force que vous pouvez générer. Mais si votre entraînement devient par exemple trop intense ou trop long, la quantité d’oxydation pourra devenir trop importante et les performances musculaires diminuer.
Voici l’illustration schématique réalisée par Lanner et ses collègues visant à trouver cet équilibre entre fonction musculaire réduite et stress oxydatif trop important :
Finalement, de n’importe quelle façon que nous cherchions à comprendre les principes de surcharge d’entraînement, pour un athlète suffisamment entraîné, jouer sur les charges aura et visera les mêmes conséquences.
En clair, ici pousser la machine jusqu’à l’orange du stress oxydatif, provoquera un stress important, mais suffisamment tolérable, qui après une réduction des charges d’entraînement devrait permettre un gain des performances.
Comme pour les différentes potentielles mesures, quelles soient de performance, cardiaques, du système nerveux, hormonales, immunitaires, de sommeil, psychologiques, etc., il sera intéressant dans le cadre de l’entraînement d’approcher les limites de tolérance à la charge du sportif, en écouter ces différents signaux choisis par l’entraîneur et ne pas dépasser ce seuil ou à minima lever le pied dès la première alerte de l’un de ces marqueurs.
Dans le cas contraire vous passerez ici dans le rouge (« Chronic disease Overtraining (OTS) », syndrome de surentraînement) et les gains espérés de votre long et fastidieux travail seront très certainement absents ou si peu intéressants. D’autant plus souvent associés aux différents symptômes vus précédemment : maladie, fatigue cardiaque, irritabilité, dégradation du sommeil, baisse de la libido, comportement impulsifs…
De façon assez schématique pour reprendre l’illustration de Lanner & co, si vous aviez l’idée de prendre une dose quotidienne de vitamine C, antioxydants le plus connu, vous devriez vous déplacez vers la gauche sur la courbe.
Dans des circonstances normales, nous pourrions imaginer une arrivée à l’extrême gauche, « muscle reposé + antioxydants ». Ce n’est donc finalement pas très intéressant, car vous ne vous situerez pas entre cet équilibre optimal en milieu de curseur ou un peu plus à droite lors des phases de stage par exemple.
C’est pourquoi l’utilisation systématique d’antioxydants n’est pas une bonne idée, même pour des sportifs assidus. Mais, si vous êtes à la limite d’une fatigue trop importante, les risques et les avantages peuvent être différents, mais cela ne s’improvise pas.
Lanner et ses collègues reconnaissent les risques associés à la supplémentation, mais suggèrent que si un athlète au bord du syndrome de surentraînement est dans un état de stress oxydatif chroniquement élevé, alors les antioxydants pourrons l’aider à limiter quelque peu les risques.
Mais attention ce ne sera qu’une goutte d’eau. La réduction du risque par une pilule de vitamine C sera clairement moins positivement impactante que ne le sera négativement une charge d’entraînement mal gérée, une journée stressante, une dette de sommeil ou alimentaire, etc.
En clair ? Vous serez plus efficace en individualisant vos séances et en les adaptant à vos réponses à l’entraînement, en maximisant votre sommeil, en mangeant qualitativement en en fonction de vos besoins, en vous hydratant justement, bref, en respectant les bases.
Il est important de mieux comprendre tous les tenants de la performance pour être plus juste au quotidien et face aux différentes situations rencontrées. Mais, nos grands champions nous démontrent chaque jour que c’est avant tout en faisant les choses bien qu’ils atteignent les sommets. Avant de viser des « gains marginaux » il faut déjà cocher toutes les cases.
Pour aller plus loin, quelques articles associés sur la gestion des charges d’entraînement :
https://www.lepape-info.com/entrainement/comment-eviter-le-surentrainement/
https://www.lepape-info.com/divers/comment-ne-pas-louper-le-rebond-de-performance/
2 réactions à cet article
Patrick Laonet
Pour ma part, je suis d’accord avec tout.
Un événement grave ayant touché un de mes proches me laisse d’ailleurs à penser que les mécanismes inflammatoires potentiellement dûs aux ERO pourraient être associés à des pathologies cardiaques (cardiopathie ischémique avec d’athérosclérose coronarienne).
Mais alors, quid des processus visant à générer toujours plus de stress (i.e. sprint en hypoxie, régime sleep-low, etc.) sur la santé à long terme ?
Frédéric Vionnet
Bonjour,
merci beaucoup pour cet article. Pourrions-nous penser que c’est d’autant plus vrai pour les sports de force? D’expérience je dirais que c’est encore plus vrai pour la force.
Sur la vidéo ABD podcasts vous parliez essentiellement d’endurance.