Cette période de l’année correspond à une période de reprise suivant sa coupure annuelle suivant les derniers championnats du monde qu’il a donc à nouveau remporté. Un total d’environ 19 heures, que nous pourrions qualifier d’intermédiaire chez un cycliste professionnel, tournant souvent autour des 25 heures, à plus ou moins 5 heures, suivant la période de l’année, le profil de l’athlète, son entraîneur, le lieu d’entraînement, etc.
Mais finalement plus que le volume horaire ou le contenu des séances sur le vélo, la véritable information de cet article descriptif sera la place faite à l’entraînement en salle de musculation portant sur le travail de la force, de la vitesse et du renforcement musculaire.
Il faut noter avant de passer à l’analyse, que Peter réside à Monaco comme beaucoup de cyclistes professionnels pour différents avantages : climat, parcours multiples (plat, vallonné, montagnes proches), coéquipiers d’entraînement très nombreux, tranquillité (primordial en période de préparation) et évidemment avantages fiscaux.
Analyse de la semaine d’entraînement de Peter SAGAN (20-26 novembre)
Lundi
Sortie de 2h + travail en salle
La première semaine de cette période de reprise sera structurée avec une sortie facile tous les deux jours. La philosophie de Patxi Villa est de commencer tranquillement en refaisant les « bases ». Dans la matinée, il souhaitera une sortie facile d’environ 2 heures. Il lui demandera simplement de « tourner les jambes », faire fonctionner le moteur aérobie pour renforcer sa base, sans se rentrer dedans et avec l’objectif de se préparer pour être efficace pour le travail en soirée. Peter délaissera donc le cuissard et le casque pour les affaires de gym lors d’un circuit en salle en soirée. Celui-ci aura une forte dominance de vitesse et de force, avec la consigne d’un engagement total sur l’exécution. Patxi Villa souhaite que cet entraînement s’effectue à intensité maximale, en visant un travail global et non pas seulement localisé.
Mardi
Sortie de 3h30 comprenant des intervalles longs
Le second jour, le travail sur vélo devient plus spécifique. Ce ne sera ni une sortie en endurance de base, ni un travail continue. Dans cette sortie de 3h30, il sera demandé à Peter de réaliser 4 à 6 répétitions de 10 minutes à environ 85% de sa puissance maximale aérobie. Patxi Villa ajoute que cette intensité correspondra environ à son seuil aérobie et non ce que certains cyclistes pourront assimiler au « FTP » qui correspondra plutôt à un travail anaérobie. Si ces notions ne sont pas claires pour vous, je vous invite à lire cet article portant sur l’analyste des tests d’effort : En quoi les tests réalisés par les athlètes élites peuvent être utiles pour tous les niveaux de pratique ?
Mercredi
Sortie de 4h30 vallonné
Comme un jour sur deux, place à une sortie d’endurance. Il sera demandé à Peter de réaliser un circuit comprenant deux ou trois bosses longues. Son entraîneur lui demande de ne pas dépasser 90% de sa puissance maximale aérobie et d’être très tranquille entre les bosses. Il souhaite que ces bosses équivalent à 10-20’ d’effort avec l’objectif de les passer avec aisance, à un rythme régulier mais supportable. Cette sortie sera donc à nouveau basée sur un travail de fond, avec peu d’intensité.
Jeudi
Sortie de récupération et travail en salle
Jeudi doit être un jour de récupération sur le vélo. Seulement, son coach ne souhaite pas que la récupération soit passive mais active, comme nous avions pu le voir précédemment pour la star du marathon Eliud KIPCHOGE : Les Secrets d’Eliud Kipchoge. Il lui demandera environ 1h30 de selle, à très basse intensité, sans se rentrer dedans avec l’objectif que la priorité de la journée soit la séance en salle de musculation donc de pouvoir l’attaquer avec le maximum de fraicheur. Le programme sera assez similaire à celui de lundi, couplant travail en force et de vitesse, avec une implication maximale, globale et travaillant l’ensemble des groupes musculaires.
Vendredi
3h30 incluant des intervalles courts
Vendredi le temps passé sur le vélo remonte à nouveau. Patxi Villa lui demande 3 à 3h30. On note ici encore une fois une certaine liberté chez les élites, la priorité étant un travail régulier et rigoureux, que 10min ne changeront pas le court de la préparation, mais qu’à l’inverse le sérieux au quotidien et le travail de tous les aspects de la performance, même les moins prioritaires ou spécifiques (intervalles longs pour un sprinter, musculation pour un cycliste, travail aérobie lent, etc.), feront eux la différence sur le long terme, à l’inverse d’une précipitation vers trop de spécifique. Dans ces 3h30 seront donc introduits un travail d’intervalle court à haute intensité. Il lui demandera d’introduire 2 à 3 blocs de 12 répétitions d’une minute à 100-105% de PMA. Ces répétitions étant entrecoupées de 2 minutes de repos passif. Cette construction du cœur de séance montre une volonté de renforcer la puissance aérobie, plus qu’à un travail cardio-pulmonaire. En effet, pas de classique 1’/1’ permettant de pincer les récupérations donc d’empêcher une trop importance récupération cardiaque, qui favoriserai un travail cardio à haute intensité. Non, ici les récupérations de 2’ vont essentiellement lui permettre de s’assurer d’un travail de haute puissance en cette période de reprise. Il faut par ailleurs noter qu’il lui était demandé de réaliser ces efforts en côte, encore une fois afin de privilégier un travail de qualité.
Samedi
Sortie longue
Patxi Villa lui demande une sortie de 4 à 5h à basse intensité. Celle-ci semble être présente au moins deux fois par semaine en temps normal, indispensable aux yeux de son entraîneur afin de renforcer la base aérobie de son athlète. Mais également à dimension psycho, celui-ci étant demandeur de sortir régulièrement avec ses amis sur ce type de sorties, plus « sociales ». Parfois, son entraîneur lui demandera d’y introduire quelques efforts de « force » sur le vélo, en réalisant quelques montées alternant 3 minutes à une fréquence de pédalage basse (50-60 rpm) et deux minutes à 90 rpm. Lui, assimilera cela à un rappel de « force » dans une sortie d’endurance fondamentale. Nous savons aujourd’hui que le véritable travail de force ne se réalisera jamais aussi bien qu’en salle avec des charges lourdes, mais qu’il pourra avoir un intérêt de renforcement musculaire ou que ces cadences extrêmes pourront avoir un rôle sur la technique de pédalage.
Dimanche
Jour de repos
Patxi Villa planifie une journée de repos par semaine lors de cette période de début de préparation. Cela ne semble pas nécessairement devoir être forcément le dimanche, mais lorsqu’il en éprouve le besoin (planification de la semaine, fatigue, vie personnelle, etc.). Celui-ci dit rentabiliser celle-ci en dormant un peu plus et en restant calme : « film sur Netflix, lecture et traditionnelle partie de PlayStation ».
(source photo : sport.aktuality.sk)
Cyclingweekly pose par ailleurs quelques questions à Peter Sagan, certaines ont retenu notre attention :
CW: Quelle est votre séance d’entraînement préférée et pourquoi?
Peter Sagan: La façon dont je m’entraîne dépend de la période de la saison et des objectifs de mon équipe et de moi-même. Je n’ai pas de séance d’entraînement préférée parce que j’aime toujours faire du vélo.
OK, mais avez-vous alors un type de séance que vous aimez moins?
Je trouve l’entraînement beaucoup plus agréable lorsque je roule avec des partenaires. Donc, une séance d’entraînement qui pourrait être ennuyeuse sur le papier (sortie longue seule) sera nécessairement plus intéressante, si je suis en bonne compagnie.
Comment restez-vous motivé chaque année?
Je pense que la clé est de profiter de ce que vous faites et de toujours donner le meilleur de vous-même. Évidemment, je suis un athlète professionnel très motivé et je ne me rends pas sur les courses uniquement pour y participer. Mon objectif est, toujours, d’obtenir le meilleur résultat et de gagner, si possible. Cependant, à ce niveau, vous ne pouvez pas toujours gagner. Vous aurez de mauvais jours et des jours où les choses vont mal. J’apprécie l’amour et le soutien des fans, partout dans le monde. Des milliers de spectateurs passent d’innombrables heures sous le soleil brûlant ou sous la pluie froide pour nous applaudir lorsque nous passons. Une partie de ce que nous donnons lors de la course est pour ces personnes. Ils le méritent.
Quelle est la plus grosse erreur d’entraînement que tu ais faite?
Je pense que ma plus grande erreur était de ne pas m’écouter lorsque je l’aurais dû (rapport à la gestion des états de fatigue et de ne pas appliquer une planification ne les prenant pas en compte).
Quel est le meilleur conseil d’entraînement que l’on vous a donné?
Un excellent entraîneur m’a dit une fois que faire une séance de moins que prévu était préférable à une séance de trop.
Analyse de l’entraînement de Peter SAGAN
Bien entendu cet article est réalisé à partir d’une semaine extraite d’une saison entière et plus spécifiquement de la période de reprise. Cependant, nous pouvons relever quelques points. Tout d’abord la place importante faite au travail de force, de vitesse et de renforcement musculaire. Nous savons aujourd’hui l’incidence positive qu’il peut avoir dans les sports d’endurance (économie du geste, décalage des seuils, meilleur recrutement neuromusculaire, etc.), dans un sport comme le cyclisme sur route (nombreuses relances = y être plus efficace ou plus économique, plus grande endurance musculaire) et plus spécifiquement pour son profil (amélioration de la puissance maximale, des qualités anaérobie lactiques). Il est parfois difficile de faire des choix pour insérer ce travail en salle au milieu du travail spécifique et nous ferons souvent le raccourci de nous enfermer dans trop de travail spécifique à notre sport, encore plus à l’approche des compétitions. Pourtant, les progrès seront très rapides chez le sportif d’endurance. Une séance par semaine pourra souvent suffire. Chez des personnes plus experte ou faisant un choix plus prononcé de ce type d’entraînement, 2/semaine accélérera les adaptations. Sachant qu’il n’est pas forcément nécessaire de faire de trop importantes séances, les progrès étant rapides chez les sportifs d’endurance néophytes.
Si vous souhaitez aller plus loin dans ce type d’entraînement nous y avions consacré un récent dossier :
– Augmenter sa Performance grâce au Renforcement Musculaire : 2 plans avec et sans matériel
– 1 minute de moins sur 10 km grâce à la musculation
– Une raison de plus de passer à la musculation : l’économie du geste
– Volet n°3 musculation : diminuer le risque de blessures tout en progressant !
– Musculation : Chapitre 1 : Les secrets d’une amélioration de la performance !
– Musculation : Chapitre 2 : Les secrets d’une amélioration de la performance
Par ailleurs, il est à noter la volonté d’un travail d’endurance, sans intensité. Encore un fois, il est souvent désiré volontairement ou non par l’athlète de « se rentrer dedans », ce qui ne favorisera pas ce travail long, parfois ennuyeux, mais au combien indispensable en cyclisme, comme en course à pied, natation ou triathlon…pour des efforts en course de longue durée, mais également et le rapport est moins facile pour des disciplines très courtes comme le 800m en course à pied ou le 400m en natation.
Pour les quelques séances d’intensité réalisées, nous ne nous permettront pas de les juger, car il n’existe pas une recette meilleure que les autres, si ce n’est celle qui fonctionnera sur vous-même. Malgré tout, nous pouvons noter que visiblement il ne s’enferme pas dans un seul type de travail mais souhaitera travailler toutes les zones d’intensité afin d’être un athlète complet.
Pour finir, visiblement ils semblent avoir une volonté commune de travailler dur, tout en s’écoutant. Une vraie place est faite aux périodes de récupération dans la semaine et entre les séances difficiles.
Deux choses :
1) ils polarisent l’entraînement, alternant entraînement à haute et à basse intensité ;
2) ils semblent avoir la volonté de ne pas aller au-delà de ce qu’est capable d’encaisser Peter. Dans ce sens je vous invite à lire notre récent article sur la gestion des phases de préparation : Comment ne pas louper le rebond de performance !
Encore une fois assez peu de surprises dans cette planification d’élites. Mais la volonté de ne rien laisser au hasard. Et, malgré cette volonté de travail global, dénote un certain détachement face à son activité. Nous citerons une phrase d’un grand entraîneur français répété à ses athlètes qui s’accorde assez bien à ces athlètes d’exception « être sérieux sans se prendre au sérieux ».
Pour suivre l’actualité d’Anaël AUBRY sur Twitter : @AUBRYANAEL et Facebook : http://facebook.com/Anael.AUBRY.Sport.scientist
2 réactions à cet article
Yannick LAMARQUE
Bonjour Anaël,
Merci pour cet article très intéressant de même que les commentaires associés.
Je m’interroge sur l’une de tes remarques où tu indiques qu’en travaillant à 85% de sa puissance maximale aérobie, cette intensité correspondra environ à son seuil aérobie et non ce que certains cyclistes pourront assimiler au « FTP » qui correspondra plutôt à un travail anaérobie.
J’avoue ne pas comprendre ton propos : quelle différence fais tu, du point de vue de l’intensité d’exercice, entre seuil anaérobie et FTP ?
Merci par avance pour tes explications supplémentaires.
Cdt
Anaël Aubry (Expert lepape-info et conseiller scientifique des équipes de France de triathlon et d'eau libre)
Bonjour Yannick,
Je t’invite à lire mon article sur les tests d’effort : http://www.lepape-info.com/se-tester-calculer/en-quoi-les-tests-realises-par-les-athletes-elites-peuvent-etre-utiles-pour-tous-les-niveaux-de-pratique/
Le % de PMA pour SV1 et SV2 différera suivant les profils physiologiques de chacun. Nous sommes ici face à un profil ayant une forte base aérobie donc démontrant de hauts % de PMA aux différents seuils.
Concernant le FTP utilisé dans le cyclisme elle est souvent assimilé à un effort soutenable pendant une heure. Nous allons donc nous trouver entre les deux seuils, avec un apport du système lactique, bien que l’effort sera principalement aérobie.