Si les stratégies de progression en activité d’endurance ne manquent pas, un dénominateur commun à ces réflexions reste le phénomène de dose-réponse. Celui-ci repose sur l’idée qu’en réponse à une charge d’entraînement donnée, une transformation proportionnelle au stress initial survient, grâce à l’ensemble des adaptations développées par l’organisme en période de récupération. Empiriquement, chaque nouvel apprentissage nous amène à conforter cette observation. Ce qui tendrait à rendre la logique du rebond intuitive.
Si facile ?
Depuis quelques années, une batterie d’études scientifiques rondement menées s’est penchée sur le sujet, avec en ligne de mire la véracité de ce phénomène de surcompensation. Parmi elles, une équipe de la capitale vient de jeter un pavé dans la marre… L’étude en question comparait, au cours de 4 semaines d’affûtage, l’évolution des performances aérobies de sujets soumis préalablement à une surcharge à celle d’un groupe témoin. Pendant trois semaines, le groupe expérimental composé de triathlètes bien entraînés s’entraînait ainsi avec un volume hebdomadaire gonflé à 140% du volume de base (soit 21h par semaine pour un sujet initialement à 15h, en préservant l’intensité et la fréquence d’entraînement). Pendant ce temps, le groupe contrôle maintenait scrupuleusement son entraînement habituel.
Surcharge ou pas surcharge ?
A l’issue de cette période de trois semaines, quand bien même une forte fatigue était reportée par l’ensemble du groupe expérimental, deux profils de réponses pouvaient être discriminés. Une partie des participants voyait son niveau de performance diminuer d’environ 2% lors du test maximal (les « surchargés »), tandis que l’autre partie parvenait tant bien que mal à maintenir son niveau d’efficacité (les « fatigués »). La période d’affûtage qui s’ensuivait devait alors éclaircir les débats.
Un déclin bénéfique ?
Alors qu’un test de performance était effectué chacune des quatre semaines d’affûtage afin d’être certain de ne pas manquer ce fameux rebond, la surcompensation tant attendue pour les « surchargés » ne dépassa pas au mieux … 1% du niveau initial. Déception… Pire, ce « rebond » était même inférieur aux performances réalisées par le groupe contrôle, qui profitait lui aussi de ce temps d’affûtage (~1,5%). La surprise venait en réalité des « fatigués ». Bien qu’ayant encaissé la même augmentation du volume d’entraînement que les « surchargés », ce groupe démontra une amélioration de son niveau de performance de près de 5%, pointant en moyenne en seconde semaine d’affûtage, avant de glisser vers le niveau d’origine en fin de protocole.
Rebond… Rebond… Où es-tu ?
A force de protocoles – et de sujets bien complaisants – cette même équipe de chercheurs a pu commencer à démêler les tenants et aboutissants du processus conduisant à l’état de surmenage. Les indicateurs régulièrement mesurés (chaque jour du protocole et chaque jour de test !) laissaient en effet présager de la survenue pas à pas de cette décroissance de performance. En d’autres termes, à mesure que l’athlète avançait dans la surcharge, certaines mesures devenaient prédictives de la baisse de performance constatée. En étant initiés chez les « fatigués » mais accumulés chez les « surchargés », ces indicateurs peuvent alors s’ériger en véritables régulateurs/repères pour tout un chacun.
Surmenage quand tu me guettes
Au fil d’une surcharge, trois dimensions imbriquées peuvent alerter quant à la décadence de son mode de fonctionnement et la survenue d’une contre-performance. 1. Comme renseigné par les « fatigués », les premiers symptômes semblent d’abord perceptifs. Le ressenti quotidien est perturbé : les tâches habituelles semblent plus pénibles et s’activer devient un réel challenge. 2. Poussez encore un peu le bouchon à l’entraînement et les troubles précédents gangrèneront peu à peu votre comportement. Plus irritable, incapable de rester concentré, moins patient voire impulsif et intolérant, vous perdez en réalité votre capacité d’auto-régulation. Les ressources mentales vous manquent pour reprendre le dessus, et ce n’est pourtant pas fini. 3. En continuant à appuyer sur le champignon à l’entraînement (ou dans votre vie perso !), une désactivation globale de l’organisme s’installe. Alors, en plus d’une pénibilité accrue pour rentrer une séance anodine, la physiologie de votre corps se rappelle à vous : la fréquence cardiaque peine à décoller, la fréquence cardiaque de récupération est en chute libre, la technique devient grossière et la moindre douleur supplice.
Surmenage quand je te guette
Anticiper cette décadence ne requiert pas d’être obsessionnel sur son état de forme, mais stratégique. Et ce, quel que soit notre volume d’entraînement, de 5h comme de 20h semaine, car les stresseurs (sportifs, professionnels, personnels) s’additionnent et systématisent sur le corps les mêmes effets. Si vous n’êtes alors pas dans l’optique de lâcher du lest, soyez au moins vigilant : une attention particulière accordée à votre ressenti et votre FC lors d’une séance clé (un 10x400m à allure connue) sera largement suffisant. En période de surcharge, ces critères pourront vous renseigner sur l’avancé de votre état de fatigue. Objectif : une sensation de pénibilité plus grande qu’à l’accoutumée, mais une FC maintenue. Ensuite, on coupe. Finie la surcharge. Place à la récupération.
Le mythe du rebond n’est peut-être donc pas tant illusoire que cela. Reste simplement à définir quelles parts de soi laisser dériver, et sur quelles parts rester intransigeant.
Cyril Schmit