Champagné. Petite commune d’un peu moins de 4 000 âmes à une dizaine de kilomètres du Mans. Nous sommes dans le département de la Sarthe. Point culminant : 340 mètres environ. Pour rejoindre les montagnes les plus facilement accessibles, direction le Massif Central. « Ca veut dire cinq heures de route ». Chamonix est à près de 800 kilomètres. On approche les 900 pour rejoindre Font-Romeu. « Des week-ends à la montagne, je n’en fais pas. D’ailleurs, je n’essaie même pas. Cela demande énormément d’organisation, et ça veut dire aussi pas mal de fatigue en plus. Notre vie est déjà bien occupée ».
Nathalie Mauclair, championne du monde de trail en titre, a donc gagné les deux dernières éditions du Grand Raid de La Réunion (2013 et 2014), remporté la TDS en 2013, et terminé troisième de l’UTMB et de la Western States en 2014, en s’entraînant quasi exclusivement dans sa plaine sarthoise.
A quelques kilomètres de sa charmante maison où quelques poules et un potager viennent nourrir la joyeuse famille en produits frais, l’énigme prend tout son sens. « Voilà, c’est une côte que je peux faire en répétition six à dix fois, présente Nathalie Mauclair sur un de ses terrains de jeu favoris. Et en plus, celle-ci, elle a des cailloux, ce qui est rare chez moi ! ». La « bête » doit faire « un kilomètre de long, avec tout au plus 50 mètres de dénivelé ». On est loin des pentes escarpées de l’Ile de la Réunion. « Quand j’ai commencé le trail, mon objectif, c’était les Templiers. Vu que ne savais pas dans quoi je me lançais, j’essayais de visualiser en faisant la côte ce qui pouvait m’attendre sur ces grandes épreuves… En fait, ça n’a rien à voir ! ». La sentence est tombée dans un grand éclat de rire. « Non, cette côte et ce qu’on a sur les grandes épreuves de montagne, ça n’a clairement rien à voir », insiste-t-elle.
« Je crois que ce que je peux faire à l’entraînement me permet d’avoir un bon potentiel musculaire. Disons que j’arrive à avoir de bonnes cuisses et de bons muscles »
Alors, quel est le secret de sa réussite ? Serait-ce une expérience du dénivelé construite depuis son plus jeune âge ? « Mes parents étaient agriculteurs, on ne partait pas en vacances. J’ai découvert ça quand j’avais une vingtaine d’années », répond-elle.
Non, Nathalie Mauclair n’est pas tombée dans une marmite montagnarde quand elle était enfant. Non, elle n’avale pas des kilomètres de dénivelé au quotidien. Il n’empêche. « Je crois que ce que je peux faire à l’entraînement me permet d’avoir un bon potentiel musculaire. Disons que j’arrive à avoir de bonnes cuisses et de bons muscles ». Elle profite notamment de ses week-ends pour multiplier les séances, en complétant son entraînement course à pied par des sorties à vélo.
Logique, pour celle qui a longtemps pratiqué le VTT, jusqu’à la naissance de ses deux enfants, où la notion de danger l’a incitée à laisser son vélo au garage pour chausser ses runnings. « Je me sentais plus responsable. Plus impliquée dans la vie. En course à pied, il n’y avait plus ni l’approche technique du vélo, ni la dimension de vitesse. J’avais davantage la maitrise de moi-même ».
Après avoir goûté à la route, devenant notamment championne de France vétérane de marathon en 2010 (2h49mn15s), elle a bifurqué sur les chemins. « Venant du VTT, c’était naturel. Le trail, c’était la discipline qui me correspondait le mieux ». Elle se marre en se souvenant de sa participation aux Templiers, fin 2011, quand Philippe Propage, membre de l’encadrement de l’équipe de France de trail, l’a vu débarquer avec son étiquette de marathonienne. « Après coup il m’a dit : « tu m’as bien bluffée ». Ca me plait assez quand il me raconte ça », sourit celle qui avait alors pris la deuxième place de l’épreuve et c’était ouvert les portes de la sélection nationale.
Elle le martèle, elle n’avait « pas planifié ça ». Mais elle vit cette aventure avec passion et entrain, le pied bien calé sur l’accélérateur. « J’ai toujours en tête que je ne suis plus toute jeune, et que ma « carrière » sera courte », souffle celle qui fêtera ses 45 ans début mai 2015, juste avant de remettre son titre mondial en jeu sur la Maxi Race du Lac d’Annecy. Alors elle s’investit à fond, et explique : « Ce qui compte beaucoup sur ces épreuves longues, c’est le mental. Ma stratégie, c’est de toujours progresser. Comme la première fois que je me suis retrouvée face à un « mur » en montée. Je me suis dit : « on va prendre le temps et on va arriver en haut ». Pareil en descente. Et puis ça l’a fait. Après, quand on l’a fait une fois, on se dit que ça va le faire une deuxième fois. C’est la stratégie de reproduction ».
Le procédé paraît simple, mais il cache aussi une préparation méticuleuse des événements. « Avec Franck, mon mari, on fait une vraie analyse des parcours en amont. Et on aime bien être sur place une dizaine de jours avant les épreuves. Pour moi, ça fait partie de la préparation. Il ne s’agit plus du physique, mais d’une mise en condition ». Car Nathalie Mauclair l’affirme : « L’ultra, c’est à la fois courir et aller au fond de soi. Avec un sentiment ambivalent. Parce que malgré tout, on se fait mal physiquement, mais on y prend du plaisir. Ce n’est pas seulement un effort de course à pied, c’est une recherche personnelle ». Et ça, ça se travaille aussi bien en plaine qu’en altitude…
Nathalie Mauclair en bref
Née le 9 mai 1970 à Saint-Calais (72)
Club : Free Run A3 Tours
Membre du Team Mizuno
Palmarès principal
2014
Vainqueur du Grand Raid de la Réunion
3ème de l’UTMB
3ème de la Western States
2013
Vainqueur du Grand Raid de la Réunion
Vainqueur de la TDS
Championne du monde de trail en individuel et par équipe
2012
Vainqueur du Trail Tour National
Vainqueur du Gruissan Phoebus Trail
Vainqueur des Gendarmes et Voleurs de Temps
2010
Championne de France vétérane de marathon (2h49mn15s)
Championne de France vétérane de semi-marathon (1h21mn46s)