Comment tu fais ? Cette question, Ludovic Dilmi l’a entendue des dizaines de fois. Il avoue même se la poser. A 47 ans, il a un record personnel à 252.014 km parcourus en 24 heures*. C’était à Séné, en avril 2011. Ces 8 et 9 septembre, il sera à Katowice, en Pologne, pour les championnats du monde de la discipline. Avec un objectif : « Battre mon record, et terminer dans le Top 5 ».
Marié, père de deux enfants de 16 et 18 ans, président du club Rambouillet Sports Athlétisme, celui qui a terminé 17ème aux derniers championnats du monde des 100 km (et 3ème Français en 7h03mn29s, voir les résultats) travaille dans le secteur de la vente d’objets publicitaires et promotionnels. Une vie bien remplie pendant laquelle il arrive à caser des volumes d’entraînement hebdomadaires impressionnants. A titre d’exemple : 263 kilomètres du 30 juillet au 5 août. Parce qu’évidemment, on ne court pas 24 heures durant, sans une charge d’entraînement à la hauteur.
Mais il n’y a pas que ça. « J’ai couru des cross, 10 km, semi-marathons, marathons, 100 km. Mais le 24 heures n’a rien à voir avec tout ça, explique l’intéressé. Il y a toujours le côté athlétique, avec les aspects performance et entraînement. Mais d’autres facteurs entrent en jeu : la résistance mentale et l’alimentation. La résistance à la douleur aussi, qui dure pendant 10 à 12 heures ».
Le 24 heures, « c’est une aventure humaine. On se découvre soi-même ». « Tout est dans la tête », complète Ludovic Dilmi. C’est donc dans la tête qu’il a trouvé la force, en avril dernier, d’arracher la deuxième place des 24 heures de Séné, lors de la dernière heure. Avec des pointes à 14 kilomètres heure pour dépasser le Français Denis Morel. Tout cela après 23 heures d’effort. Et cette même question qui revient « Comment tu fais ? ».
Le negativ split, sur 24 heures, ça n’existe pas
Il n’y a pas de recette miracle, ni d’explication vraiment rationnelle. Si ce n’est cette extraordinaire envie d’aller « au-delà des limites » qui l’a toujours animé. Même lorsqu’il avait, comme il le dit lui-même sans prétention ni dédain, « des performances de coureur du dimanche ». « Je n’étais déjà pas tout à fait un coureur du dimanche », concède-t-il. « J’ai des capacités physiques, bien sûr, mais elles ne sont pas non plus exceptionnelles », lance Ludovic Dilmi. Il lui a donc fallu du temps pour comprendre qu’il a cette volonté de se mettre dans le rouge , de se surpasser, et donc de tolérer la douleur, que d’autres n’ont pas.
Son premier 24 heures, il l’a couru en 2009, à Séné. « Pour découvrir. En touriste, pour le terminer ». Bilan : 230 kilomètres. « Pas mal pour une première », sourit-il. Pourtant « j’ai commis toutes les erreurs du débutant. J’ai mangé des produits salés qui m’ont fait vomir, d’autres qui m’ont fait aller aux toilettes. J’étais sans accompagnement ». Depuis, il a appris à appréhender cette épreuve où la technique de pied est différente de celle du marathon, où l’on court « avec le pied à plat, c’est moins traumatisant ». « Les 6 ou 7 premières heures ne présentent pas de souci. Ou alors, c’est qu’il y a un problème d’entraînement. On peut manger normalement parce qu’on a encore assez de salive. Je m’alimente environ toutes les demi-heures, avec des morceaux de gâteaux sport, et des pâtes alimentaires. En petite quantité. Dans ces premières heures, le rythme est relativement faible par rapport au niveau d’entraînement. Je dirais que ce sont comme les cinq premiers kilomètres d’un marathon. Après, les premières limites du corps commencent à se faire sentir. Notamment au niveau des quadriceps. Les toxines sont là. On commence à avoir vraiment moins de salive, et donc à manger difficilement. A ce moment-là, mentalement, on vise les douze heures. Lorsqu’on s’est fixé un objectif, après 12 heures de course, il faut être dans les clous. Parce que le negativ split (lire ici qu’est-ce que le negativ split ?), sur 24 heures, ça n’existe pas ! ». A mi-course, le mental devient alors réellement le point clé. « On entre dans une deuxième phase de fatigue. Là, si on s’écoutait, on arrêterait ! A ce moment-là, il faut commencer à diviser le temps pour rendre la chose plus vivable. On ne peut pas raisonner sur 12 heures. Alors on se dit par exemple : « Dans 3 tours je mange », on pense à l’heure suivante, etc ».
Après avoir connu le cœur des pelotons, Ludovic Dilmi est aujourd’hui aux avant-postes. Avec les ambitions qui en découlent. « Je raisonne en blocs de 3 heures. Avec une allure de départ, et ensuite une dégressivité. Au milieu de la nuit, je suis à ma vitesse minimale, c’est-à-dire 9 ou 9.5 kilomètres/heure. Et je remonte jusqu’à la fin. Je suis plutôt un finisher, je sais que je grappille quelques kilomètres dans les dernières heures ». Mais derrière les prévisions, Ludovic Dilmi sait que le jour J, « il y a des aléas énormes, avec au-delà du physique, l’état mental ». Les sensations du jour J ne se commandent pas. Et parfois ne s’expliquent.
*Le record de France des 24 heures, 268.859 km, est détenu par Alain Prual depuis 1999.
Ludovic Dilmi
Né le 11 avril 1965
Club : Rambouillet Sports
Records personnels : 24 heures : 252.014 km à Séné le 24 avril 2011
100 km : 7h03mn29s à Seregno-Brianza (Italie) le 22 avril 2011
marathon : 2h35mn57s à Nice le 20 novembre 2011
Palmarès
2012
Médaillé de bronze avec l’équipe de France des 100 km lors des Mondiaux à Seregno-Brianza (Italie). 17ème place en individuel, 11ème Européen et 3ème Français
2011
Champion de France des 100 km (7h23mn15s à Theillay)
Vice –champion de France des 24 heures (252.014 km à Séné)
2010
Vice –champion de France des 24 heures (234.359 km à Roche-la-Molière)