En ce dimanche 2 septembre 2012, il est déjà l’heure des bilans. Les derniers concurrents de l’UTMB sont arrivés à 21 heures samedi et seuls les coureurs de la PTL sont encore en course. Alors que nombre de concurrents devrait être encore en pleine effort si les épreuves s’étaient déroulées normalement, il est déjà l’heure de ranger.
« Nous avons vécu une édition qui illustre parfaitement l’essence du trail et de la montagne », commente Eric Fournier, responsable de la communauté de communes : « Il a fallu recalibrer les parcours, nous adapter. Cette dixième édition nous l’aurions, bien sûr, souhaitée différente mais ce genre de situation contribue à la légende de l’évènement et à le rendre exceptionnel ».
« Nous savions depuis une bonne semaine que la météo serait mauvaise, » annonçait Catherine Poletti « et dès le mercredi nous étions conscients que nous serions contraints d’utiliser les parcours B, on ne peut aller contre la montagne. Au final, la TDS partie jeudi a pu s’élancer sur le parcours normal même si les conditions ont été difficiles, la CCC aussi même si nous avons dû enlever les deux cols avec la tête de la Tronche et la tête aux Vents, seul l’UTMB a été vraiment modifié. Nous demandons aux coureurs de savoir d’adapter, nous avons fait de même. »
La TDS aura été au final, l’épreuve la plus difficile avec ses 114,61 km et 6792 m de dénivelé positif. Chez les femmes, Agnès Hervé s’est montrée la plus forte en 19h07mn00s. « L’année dernière, il faisait très très chaud sur la TDS, j’avais pris un gros coup de chaud alors que j’étais en tête. J’avais été contrainte d’abandonner. Pour cette année, j’avais demandé de la pluie, j’ai été exaucée ! Il faisait froid mais il fallait que j’assume. Je suis une Parisienne, au niveau de l’entraînement pour ce type de course ce n’est donc pas facile. J ‘ai passé 15 jours en montagne en vacances, ici, j’avais quelques problèmes de santé, de fait je ne savais pas vraiment si j’allais prendre le départ mais je n’ai pas pu résister car j’adore la TDS. J’ai vécu cette course comme dans un rêve grâce aux bénévoles qui ont toujours eu des petits mots d’encouragement et que je tiens vraiment à remercier. »
Chez les hommes c’est un personnage emblématique du trail qui s’est imposé en 14h37mn07s : monsieur Dawa Sherpa, le premier vainqueur de l’UMTB. C’était en 2003 et en cette année 2012, il s’est offert une superbe victoire sur la TDS, une première marche du podium acquise à l’expérience. « Je me suis senti très bien durant tout le parcours, j’avais très bien récupéré des 80 km du Grand Raid des Pyrénées. C’est parti très vite mais j’ai vu dès le premier ravitaillement que mes concurrents attaquaient trop et qu’ils ne prenaient pas assez de temps pour boire et manger. Les conditions étaient très difficiles et la règle d’or était de gérer son effort, son alimentation et son hydratation. Alors j’ai pris mon temps et géré mon allure ce qui m’a permis de m’imposer. Mon but au départ n’était pas forcément de gagner mais de prendre du plaisir et de préserver ma santé. Dans de telles de conditions, c’est souvent ce qui fait la différence. «
Au final, la TDS est l’épreuve qui a connu le plus fort taux d’abandon avec 56,93% !
Vendredi ce fut donc place à la CCC et à l’UTMB. La CCC (Courmayeur – Champex – Chamonix) tronquée des deux cols présenta donc un parcours de 86 km avec 5 998 m de dénivelé. Vent, pluie, grêle, neige furent au programme. L’Anglaise, Ellie Greenwood, pour sa première participation s’est octroyé la victoire en 11h17mn24s. « C’était des chemins, des sentiers forts différents de mes habitudes. Je suis donc partie prudemment et j’ai pris la tête sur les parties les plus roulantes. Je me suis alors retrouvée avec un coureur, nous avons engagé la conversation et après trois heures à chercher mes mots en français, je lui ai demandé sa nationalité. Il était Irlandais ! Nous sommes passés à l’Anglais ! Nous avons ainsi terminé la course ! Ce fut une belle expérience. Maintenant je passerais bien sur l’UTMB mais j’aimerais que Catherine (Poletti, ndlr) me promette le soleil car j’aimerais découvrir les paysages ! »
L’Espagnol Tofol Castaner Bernat restera comme la sensation de cet UTMB 2012 avec ses moins de 9 heures d’effort, soit 8h57mn04s, « Je ne suis pas un habitué de ce type de parcours. En fait, c’est la deuxième fois seulement que je fais une course de plus de 80 km. De plus je ne connaissais pas du tout le parcours, j’ai donc couru à la sensation. Lors de la première partie avec la neige, le vent et le froid, les conditions n’étaient pas bonnes, j’ai fait de mon mieux. A partir de La Fouly et jusqu’à Chamonix, les conditions étaient nettement meilleures, j’ai donc mis un rythme plus intense sans savoir vraiment si je pourrais courir longtemps à ce rythme puisque je passais au delà de 80 km. C’est passé et l’arrivée sur la place avec tout le monde prêt à prendre le départ de l’UTMB restera un souvenir inoubliable. C’était incroyable ! ».
Trois minutes après l’arrivée de l’Espagnol, le départ d’un UTMB tronqué était donné. « Nous avons été obligés de supprimer les grands cols car donner le départ sur le tracé classique aurait été suicidaire », expliquait Catherine Poletti. Nous avons mobilisé tout le monde pour modifier notre mise en place, je remercie les bénévoles et tout ceux qui ont contribué au bon déroulement de cette édition. Nous avons pu informer tous les inscrits 20 heures avant le départ et au final, seul sur les 2500 inscrits, 2482 se sont présenter sur la ligne de départ. Seuls 18 ont renoncé » dont Julien Chorier et Iker Karrera (ndlr). « Je tiens à dire que les vainqueurs de cet l’UTMB 2012 sont des vainqueurs complets, ils ont fait preuve d’adaptation. »
Sur ce parcours officiellement de 103,42 km avec 5862 m de D+, l’Anglaise Lizzy Hawker en se classant 16e au scratch a une nouvelle fois illustré son immense talent avec un chrono de 12h32mn13s. « Je tiens à saluer le travail de tous les bénévoles car ils ont travaillé dans des conditions indescriptibles. « Derrière ce fut une autre course avec des nombreuses athlètes postulantes aux deux marches du podium laissées vacantes. L’italienne Francesca Canepa se classe deuxième en 13h17mn01s. « Je savais que la course allait partir très vite, or je n’aime pas ça et très souvent je me retrouve en sur-régime. Je m’étais promise de ne pas tomber dans le piège mais j’ai eu du mal à le faire. Aux Houches, j’ai commencé à me faire plaisir en essayant de ne pas trop me soucier de ce qui se passait autour de moi. Mon seul problème a été la gestion des ravitaillements car toutes les stratégies mises en place étaient obsolètes. De plus après Les Contamines c’était l’inconnu car on ne connaissait pas le parcours. Là dessus, j’ai fait des erreurs et je me suis retrouvée sans gels ou quelconque ravitaillement. Conclusion, à Argentière, je voulais monter dans la voiture tellement je n’en pouvais plus. Heureusement, j’ai trouvé les ressources pour repartir et j’ai donné tout ce qui me restait pour terminer. »
L’Espagnole, Emma Roca termine troisième en 13h23mn37s. Mère de trois enfants et coureuse de trail depuis 1 an et demi après une superbe carrière sur les courses aventure, elle découvrait l’UTMB. « On prend le départ sans savoir ce qui va se passer et au final ce fut plus dur que je le pensais. Au départ, j’étais déçue par le changement mais je me suis dit : tu es là alors profite de la course. Au niveau de la compétition, nous n’avions pas besoin de regarder devant car nous savions que Lizzy était là. Tout se jouait derrière. Avec Francesca, nous ne nous sommes jamais vues même si nous étions relativement proches. »
Chez les hommes, le Français François D’Haene l’emporte en 10h32mn36s. « Je dois reconnaître que j’étais déçu de ne pas prendre le départ du vrai UTMB mais ensuite je me suis dit que j’étais là et que j’allais tout donner. C’est ce que j’ai fait avec un réel plaisir. Je tiens à remercier les bénévoles pour leur travail ainsi que toute mon équipe. «
Sébastien Chaigneau… Dix jour de repos Trois semaines après son opération du genou, suite à une chute, Sébastien Chaigneau a vécu un UTMB 2012 très particulier. Victime d’une chute départ où il s’est ouvert l’autre genou, le gauche cette fois, il a été contraint à l’abandon à Argentière, à 10 km de l’arrivée : « Je me suis fait piétiner. Ensuite, bien petit à petit, je voyais de moins en moins bien. Evidemment ma frontale s’est mise en mode économie car j’étais en course depuis plus longtemps que prévu. Pour être clair, je ne voyais pratiquement plus mes pieds. J’ai réussi a rejoindre le ravitaillement à Argentière mais le médecin m’a dit qu’il fallait aller à l’hôpital. Il est vrai que je ne pouvais distinguer les personnes qui me parlaient. Je ne voyais que des ombres ». Verdict une ophtalmie, c’est-à-dire une brûlure de la cornée. » Ca va mieux, ce matin », affirme t-il avec ses lunettes de soleil dans la salle de conférence de presse. « Je vais avoir besoin d’une dizaine de jours pour récupérer mais cela va aller ». |
Derrière, surprise avec un spécialiste de la route avec le Suédois Jonas Buud en 11h03mn19s. Vice champion du monde de 100 km, il était dans la région depuis juillet afin de se préparer au mieux. « J’avais prévu de me préserver en montée et d’attaquer en descente et dans les parties roulantes. Je me suis aperçu que j’avais encore une marge de progression dans les montées afin de pouvoir postuler à la victoire. Ce fut une belle expérience. »
Pour compléter le podium, l’Américain Michael Foote a effectué une remontée fantastique. 15e durant une bonne partie de la course, il est 9e aux Houches et va chercher sa 3e place sur 10 km entre Argentière et Chamonix franchissant la ligne en 11h19mn00s. « Faire l’UTMB est une expérience incroyable. Tout change, le temps, les parcours mais vous devez continuer et rester dans votre course. La course était totalement différente par rapport à ce que j’avais prévu. En résumé, au fil des kilomètres je me sentis de mieux en mieux. Je suis parti sur un rythme d’ultra puis j’ai accéléré. J’étais bien jusqu’au 50 km, très bien au 70 km, en au top à partir du 90e km, j’ai donc pu aller chercher la troisième place ».
L’UTMB se termine. C’est l’heure des podiums de l’UTMB, sur la place du triangle de l’Amitié. Le soleil resplendit enfin.
Après trois années de suite avec des conditions compliquées, c’est aussi l’heure des questions. Pour beaucoup l’UTMB a eu lieu, pour certains ce fut une nouvelle fois une édition tronquée laissant un goût d’inachevé. Pour l’organisation pas question de changer de date, l’UTMB se déroule dans le massif du Mont Blanc avec une course qui se déroule en montagne imposant de savoir toujours s’adapter. Pour les coureurs et les suiveurs, certes conscients que les conditions étaient difficiles, extrêmement difficiles, mais une question : un report de l’heure du départ un peu plus conséquent (minuit ou 4 heures du matin) n’aurait-il pas permis que la course se déroule normalement ? Au niveau de l’organisation Catherine Poletti l’affirme « D’un point de vu logistique c’est trop compliqué voire impossible. N’oublions pas qu’il y a 1900 bénévoles impliqués. »
En fait, il n’y a qu’une seule certitude, la montagne a une nouvelle fois parlé. Elle reste la maîtresse des lieux et contribue certainement au mythe. Toutes et tous rêvent de faire figurer l’UTMB à l’heure palmarès quels que soient les doutes et les interrogations.
Prochaine édition : du 26 août au 1er septembre 2013
Quelques photos des remises de prix