Il s’en excusait presque pour le vainqueur, mais le coureur le plus applaudi du 15ème marathon de la Baie du Mont Saint-Michel, c’était peut-être bien lui. Sébastien Guillaume. A l’arrivée, on le félicitait, le congratulait, lui souriait. « Bravo ». « Super ». « Belle performance ». Ce jeune père de 36 ans venait de boucler le parcours en 3h20mn environ. Un chrono certes parfaitement honorable, mais encore loin des meilleurs (Abraham Girma s’est par exemple imposé en 2h11mn51s). Mais lorsqu’il s’agit d’apprécier une performance, il n’y a pas toujours que le chrono qui compte.
Sébastien Guillaume a un record à 2h48mn sur marathon (établi à Orléans) et à 7h33mn sur 100 km (à Royan en octobre 2011). Ce dimanche 13 mai 2012, c’est avec son fils qu’il a parcouru les 42.195 kilomètres entre Cancale et le Mont Saint-Michel. Tom est né le 15 mai 2003, et ce jour-là, les médecins n’étaient pas sûrs qu’il survive plus de 24 heures. La faute à douze minutes d’arrêt cardiaque après la naissance, douze minutes pendant lesquelles le cerveau du nouveau-né n’a pas toujours pu être irrigué. Conséquences : des cellules touchées, une hypertonicité des muscles et une hypotonicité du tronc. En clair : Tom n’a pas assez de force pour se mouvoir, mais ses membres (ses bras notamment) peuvent parfois réagir violemment, dans des mouvements qu’il ne contrôle pas.
Aujourd’hui, Tom est pris en charge dans un « centre spécialisé, avec école le matin, et des soins (kiné, ostéo, balnéo) l’après-midi ». « Mais ça fait neuf ans qu’il est là », sourit Sébastien. Et à deux jours de son neuvième anniversaire, Tom a donc bouclé un marathon poussé par son père, grâce un fauteuil tout neuf, reçu il y a à peine quinze jours suite au financement d’un sponsor (un fauteuil de ce type coûte entre 2400 et 2600 euros).
« Avec le vent qui s’engouffrait, j’ai parfois beaucoup peiné. Dans les montées notamment, la difficulté est multipliée par deux avec le fauteuil. Et dans les descentes, les cuisses souffrent beaucoup plus », racontait Sébastien. « J’étais à 85% de ma fréquence cardiaque aujourd’hui, alors que c’était mon allure de footing, celle où je suis plutôt à 65% d’habitude. » Reste que l’expérience était « géniale, super cool ». Parce qu’il a « fait plaisir » à son fils qui a pu « voir la mer ». Que le public l’a tellement « applaudi et encouragé » que le cardio s’est parfois « un peu affolé ». Et d’ajouter dans un timbre de voix qui cachait encore difficilement l’émotion : « Tom est resté calme pendant toute la course ».
A tous ceux qui l’ont poussé durant ce marathon, et qui ont peut-être pensé « le pauvre » en voyant son fils , Sébastien souhaitait avant tout montrer que Tom est un petit garçon « comme les autres ». « On fait tout avec lui. Il vient à l’entraînement avec moi. Quand on part au ski, il vient avec nous ».
Un « nous » qui inclut Karine, sa femme, et Lyly, leur petite fille de 4 ans, qui ne souffre, elle, d’aucun handicap. Au Mont Saint-Michel encore, toute la famille s’était déplacée. Mais Sébastien avait plutôt prévu de courir en 3h45. Au final, leurs 25 minutes d’avance ont changé les plans de leurs supportrices qui n’ont pas réussi à les capter sur le parcours. « On a chacun un téléphone, on va bien finir par se trouver », rassurait Sébastien sur la zone d’arrivée.
Policier municipal à Orléans, lui qui s’entraîne « tous les jours » et parcourt « jusqu’à 180 kilomètres par semaine en préparation d’un 100 kilomètres », se tournait déjà vers d’autres objectifs. A titre personnel les 100 km de Theillay. Et avec son fils peut-être le marathon d’Orléans, « pour se faire plaisir ». Tom, médaille autour du cou, paraissait plutôt d’accord avec son papa.
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