Dès ses premiers mots, Pierre Michael Micaletti invite au voyage. Physiquement on est à Paris, mais son accent chantant nous emmène du côté du Sud de la France. D’origine vietnamienne par sa mère et corse par son père, il a vécu « 20 ans à Marseille. Aujourd’hui, même à 45 ans, l’accent n’est toujours pas parti ».
La vie, Pierre Michael Micaletti semble la dévorer à pleines dents. Ou plutôt à pleines jambes. Il quitte son domicile tous les matins à 6 heures : il vit à Evreux, en Normandie, mais travaille à Paris, en tant que responsable des systèmes d’information de la Philharmonie de Paris*. On a l’impression que ses journées se vivent et s’enchaînent à 100 à l’heure. Boulimique de travail, oui, mais a priori sans pression. « Rien ne me stresse dans la vie, je suis zen. Même l’idée de la mort ne me stresse pas. Au contraire, ça me motive plus que jamais à vivre ».
Pour mieux comprendre sa philosophie, il faut faire un voyage dans le temps. Retour en 1983. A 16 ans, Pierre Michael Micaletti circule à deux roues et est fauché par une voiture. Bilan : un tibia broyé, une ablation des ligaments croisés postérieurs, trois ans passés entre fauteuil roulant et béquilles et plus question de courir. Tout aurait pu s’arrêter là. Là où finalement tout a commencé. Près de 30 ans plus tard, l’homme martèle l’un de ses principes : « Faire en sorte que ce que l’on perçoit comme des contraintes deviennent des forces. C’est ce qui s’est passé avec mon accident. Je me dis que c’est peut-être la plus belle chose qui me soit arrivée. Sans cela, je n’en serais pas là ».
« Là », ça veut notamment dire avec son nom dans le Guinness World Records. 822,31 kilomètres parcourus sur tapis de course en 6 jours et 6 nuits. Cette performance, c’est bien lui qui vient de la réaliser, du 13 au 19 mai 2012, à la Cité des Sciences et de l’industrie de Paris.
Tenir le rythme de la « foulée Micaletti », cela signifie maintenant partir pour un long voyage. 6 jours, 6 nuits sur cet appareil « sans pitié » qu’est le tapis. « 4 kilos et demi de perdus, surtout du muscle ». 144 heures… dont un peu moins de 13 à dormir. « Le paramètre essentiel dans l’extrême endurance, c’est la gestion du sommeil. Dans mon entraînement, cela passe avant la nutrition ».
Avant une telle épreuve, cet aventurier s’impose donc une à deux séances de 24 à 48 heures sans sommeil. A tous les ultra-runners, il conseille de faire un bilan actimétrique. « Pour connaitre le fonctionnement général de son corps en matière de sommeil. Savoir quelles sont nos portes de sommeil, c’est-à-dire les périodes propices à l’endormissement. Elles sont propres à chacun ». Fasciné par la « magie du cerveau », assoiffé de connaissances, Pierre Michael Micaletti veut aider la science à mieux nous comprendre. Ses performances, ils les effectuent donc bardé de capteurs, pour pouvoir offrir un maximum de données aux chercheurs et spécialistes.
Gérer ses périodes de sommeil
Il est dans la gestion permanente. « La micro-sieste est la clé du bon éveil. Après mon 6 jours d’Antibes en 2008 où j’avais franchi le cap des 747 km, je me suis rendu compte que mes cycles de sommeil étaient beaucoup trop longs. Je dormais 2 h à 2h30, et ensuite j’avais beaucoup de mal à repartir. Au final, je perdais 4 heures. » Grâce à ses recherches et expériences, il a appris à appréhender « la baisse énergétique, la baisse de tonicité musculaire, la lassitude ». Autant de signes qui l’incitent à s’accorder un peu de sommeil. « Je me demande toujours si c’est le moment opportun, parce qu’évidemment je reste un performer ». Alors pour savoir s’il est « toujours lucide », il a ses trucs. Par exemple : « Je fais des petits calculs : des additions, des soustractions, des multiplications ». Son temps de réaction lui sert d’étalon.
Bien sûr il a un mental de guerrier, mais il sait que le cerveau « est trompeur. Il nous propose plein de pièges. Il faut garder la maîtrise de soi, ne pas succomber à l’euphorie. Et parfois, mieux vaut aller dormir plutôt que de passer en force. Passer en force, ça ne marche pas, en tout cas, pas sur le long terme ». Et d’ajouter : « Je n’ai jamais été au bout de moi-même, pour garder l’envie. Il ne faut pas casser le ressort mental, sinon c’est fini ». Evitez d’ailleurs de lui parler de « dépasser ses limites », il n’aime pas cette expression. « Ca ne veut pas dire grand-chose, au fond, s’il y a des limites, on ne peut pas les dépasser. Je préfère dire que je vais me rencontrer ».
Lorsqu’il nous replonge dans un voyage à travers le temps, on se dit qu’elles sont loin ces années où il a repris le sport, d’abord par du vélo. C’était entre la fin des années 80 et le début des années 90. Il est loin ce jour de 1999 où il a rechaussé ses running pour courir autour de l’hippodrome de Longchamp. Loin, aussi, son premier 10 km en 2002, couru en 44 minutes. Loin le temps où il considérait les « 100 bornards comme des X-Men ». Loin, toujours, son premier 6 heures, à Gravigny (27), en septembre 2003. Son premier 24 heures à Saint-Fons (69) en 2004. Et son premier « 6 jours » à Antibes (06), en 2006. « J’ai reconstruit mon corps grâce à l’ultra », lance-t-il.
C’est donc à travers l’ultra, l’extrême endurance, qu’il continue d’assouvir sa soif de découvertes. Prochaine étape début 2013. « 6 jours 6 nuits sur piste à vélo ». Pour « poursuivre l’étude sur le sommeil, voir si mon corps réagit de la même manière sur un sport porté comme le vélo ». En 2014, ce sera la Race Across America (RAAM), soit la traversée non-stop des Etats-Unis à vélo, d’Ouest en Est. Son acolyte Philippe Dieumegard sera de la partie. Il était aussi à la Cité des Sciences et de l’industrie du 13 au 19 mai. Mais lui sur vélo statique, sur lequel il a parcouru 2704 km. « On s’est tellement marré », explique Pierre Michael Micaletti. « C’est un luxe de faire ce que je fais. J’ai parfaitement conscience de l’état du monde. Et je me dis que c’est un luxe de pouvoir m’amuser à faire des conneries pareilles ».
Au prochain 6 jours d’Antibes dont il est le parrain, du 3 au 9 juin 2012, il estime que la barre des 900 kilomètres peut être franchie. Mais celui qui se définit comme « ouvreur de voie ou pilote d’essai » voit déjà plus loin. Si tous les moyens et ingrédients sont réunis (notamment en termes de temps disponible pour l’entraînement), « la barre des 1 000 kilomètres est parfaitement accessible ». « Pour moi, l’actuel record de 822 km correspond au record du monde de marathon à 2h30 comme on l’avait autour des années 1930. On peut faire beaucoup mieux ! »
On pourrait y voir quelque chose digne de l’inhumain. Lui préfère la notion de « in – humain comme human inside. Autrement dit quelque chose de profondément humain ». Pierre Michael Micaletti l’affirme, à travers ses expériences et performances : « J’ai redécouvert ma primalité. Je sais quel animal je suis et je le nie pas ». Un animal doté d’un tempérament « à la fois rêveur et pragmatique », capable de ne pas s’ennuyer pendant 144 heures sur un tapis de course et de « s’amuser de rien ». Certains diront qu’il vient d’une autre planète. En tout cas, à la Cité des Sciences et de l’industrie, dont la présidente est l’ancienne astronaute Claudie Haigneré, Pierre Michael Micaletti l’affirme : « Je suis parti dans l’espace ».
*Le bâtiment, qui contiendra une salle de concert de 2 400 places dans le Parc de la Villette, devrait être terminé en 2014.
2 réactions à cet article
Olivier franck
Salut micahel je pense que tu te souviens de moi on allait à la communale Ensemble moi j’habite en Corse et si tu passes vers la Jauret bien aimé te rencontrer. Je t’embrasse à très bientôt .Franck
Mica
Ohhh quelle joie de te lire Franck. Noté j’espère que tu vas bien. J’étais tout petit et tu étais impressionnant
Je t’embrasse
Pace salute