Depuis notre première analyse à l’issue de la corrida de Houilles, les courses sur route avec des résultats chronométriques particulièrement bons se sont enchaînées.
Le record du monde du 10 kilomètres de l’Ougandais Cheptegei en décembre dernier a été abaissé de 14 secondes supplémentaires par le Kényan Rhonex Kipruto à Valence début janvier, course dans laquelle Julien Wanders a abaissé son propre record d’Europe à 27’13.
Ainsi 7 des 15 meilleures performances Africaines de tous les temps sur la distance ont été réalisées en moins d’un an (depuis mars 2019) et 5 des 12 meilleurs chronos tous temps sur la même période en Europe.
Même destin le 21 février à Ras Al Khaimah (Emirats Arabes Unis) pour l’ancien record du monde féminin du semi-marathon l’éthiopienne Ababel Yeshaneh (1h04’31) et la kényane Brigid Kosgey (1h04’49) sont en effet toutes les deux passées sous la précédente référence mondiale d’1h04’51.
Et encore, le 23 février, 14 hommes ont couru en moins de 2h08 lors du marathon de Séville. C’est la deuxième fois que cela arrive dans l’histoire sur la distance. La première fois… C’était à Dubaï, le 24 janvier 2020.
Mais que se passe- t-il sur la planète course ?
Des centaines d’articles à travers le monde pointent les nouvelles chaussures qui ornent les pieds de la grande majorité des coureurs qui cherchent à performer et soulèvent la question inhérente de l’équité et de l’éthique.
Confrontée à cette situation unique en son genre dans son ampleur, la Fédération Internationale d’Athlétisme (Worlds Athletics) a exposé le vendredi 31 janvier dernier, les nouvelles réglementations en matière de chaussures de compétition pour les athlètes d’élite. Très attendue, la réaction de la Fédération Internationale a précisé plusieurs points :
– Ne sont désormais plus autorisées en compétitions les chaussures dont l’épaisseur de la semelle dépasserait 40mm ou possédant plus d’une plaque ou lame rigide intégrée. Pour les pointes, l’épaisseur maximale de la semelle est de 30mm et une plaque supplémentaire est tolérée pour fixer les pointes à la semelle.
– Avant de pouvoir être portée en compétition, toute chaussure doit, à compter du 30 avril, avoir été disponible à l’achat pour tout athlète sur le marché libre de la vente au détail pendant une période de quatre mois.
– Le juge-arbitre de la compétition est désormais autorisé à demander à un athlète l’inspection de ses chaussures s’il a « un doute raisonnable que les chaussures portées par l’athlète ne sont pas conformes aux règles ».
– Compte tenu de ses inquiétudes quant à l’impact des innovations technologiques appliquées aux chaussures et donc à la performance, World Athletics va mettre en place un groupe de travail d’experts chargé du pilotage des recherches sur cet impact.
Concrètement, cette décision n’écarte pour l’heure aucune paire de chaussures actuellement sur le marché. Nike a par ailleurs présenté mercredi 5 février sa nouvelle gamme de chaussures lors du Nike 2020 Forum à New-York.
Parmi elles, la dernière version endurance avec la Nike Air Zoom Alphafly Next % mais aussi un modèle VIPERFLY conçue pour la performance sur 100 mètres.
Ces chaussures (les modèles sur le marché à ce jour) bouleversent -elles vraiment le paysage de la course sur route et au-delà de cette question, ne sont-elles pas en train de créer une véritable révolution dans l’histoire du demi-fond et fond mondial ?
L’athlétisme, au-delà de la notion de victoire dans les championnats a toujours porté en elle la notion de performance et de records (du monde, d’Europe, de France, de Ligue, de club, personnel) permettant de comparer les coureurs au-delà de la durée de leur carrière.
Observons quelques chiffres :
Focus sur Nice
En France, c’est notamment le 10 kilomètres de la Prom’Classic à Nice qui a interpellé et retenu l’attention des observateurs. L’idée est simplement d’introduire notre propos par un nouveau constat statistique après celui réalisé sur la corrida d’Houilles, afin de montrer qu’au-delà d’être une course exceptionnelle, on peut dégager une tendance générale d’amélioration des performances. Outre des records masculin et féminin de la course qui ont été abaissés, respectivement à 28’37 par Raphaël Montoya et à 32’09 Liv Westphal, on trouve 21 français qui sont passés sous les 30’ et 95 sous les 32’. Ces chiffres sont nettement supérieurs à ceux de 2016, jusqu’alors meilleure édition de l’organisation en termes de densité chronométrique.
Et les chaussures ? Sur les 50 premiers à Nice, 37 portaient des Nike Next %. Parmi les autres on compte 4 paires de Nike (dont 3 paires de 4%), 2 paires de Saucony, 2 paires d’ Adidas, 2 paires d’ Asics, 1 paire de Reebok, 1 paire de New Balance et 1 paire de Hoka. La répartition est nettement plus nuancée dans la suite du classement avec seulement 15 paires de Next % chez les 50 arrivants suivants (entre la 51 -ème place et la 100 -ème).
Parmi les 50 meilleurs, 38 réalisent leur record personnel sur la distance. En excluant Valentin Bresc, découvrant l’épreuve et améliorant au passage le record de France junior (neuvième de la course en 29’27), les 37 autres retranchent en moyenne 49,9 secondes à leur meilleure marque personnelle. En filtrant les porteurs de Next % (29 hommes) on atteint 51,4 secondes de gain contre 44,4 secondes pour les 8 autres coureurs.
Le taux « effectif portant la paire » sur « effectif portant la paire et battant son record » est de 81,1 % pour les porteurs de Next contre 61,5 % pour les porteurs d’autres chaussures. L’écart se réduit en ajoutant les 50 coureurs suivants (75,0 % pour la Next / 68,8 % pour les autres).
Après Houilles, nous avons donc un exemple concret supplémentaire.
Mais ce qui est nettement visible parmi l’élite l’est-il également en profondeur ? Assiste –- t- on réellement à un phénomène global d’amélioration des performances sur 10 kilomètres ces derniers mois.
Les site spécialisé Spé 15 s’était déjà intéressé à l’effectif des chronos sous les 30 et 31 minutes.
Analyse des bilans français
Nous proposons de pousser l’analyse en allant regarder un peu plus loin et en se focalisant sur les chronos réalisés par des français et sur des parcours jugés conformes avant de comparer les performances mondiales sur route et piste.
La première constatation est une élévation du nombre de coureurs ayant réalisé moins de 30 minutes sur la distance. Avec une moyenne sur 15 ans (2004 à 2018) de 31,8 hommes sous cette barre chronométrique, 2019 fait presque deux fois mieux avec 58 masculins, après deux années plutôt moyennes (24 et 27 français en 2017 et 2019).
On peut noter d’ailleurs que les circuits de Nice et Valence ont déjà permis à 28 français de courir sous les 30 minutes, c’est-à-dire qu’en l’espace de deux mois, il y a plus de Français sous les 30’ que lors des années 2017 et 2018 sur une saison complète.
Les chiffres le 31 décembre 2020 risquent de donner le vertige !
Cependant ce « gain statistique » se diffuse également à l’échelle des chronos plus honorables. Ainsi si on s’intéresse aux effectifs de coureurs français sur 10km (conforme à la réglementation), 2019 est (parfois de loin, parfois moins nettement) la meilleure année des 16 dernières que le curseur soit à 30’ ou à 34’. Par ailleurs à partir de 31 minutes puis de plus en plus nettement on observe une courbe en « V » avec une tendance de baisse progressive de 2004 à 2011 puis une tendance de hausse à partir de 2012 jusqu’à 2019.
Il est intéressant aussi de noter qu’en découpant les effectifs par tranche de 30 secondes chronométriquement, certaines tranches sont nettement plus impactées par le phénomène que d’autres.
Par exemple la tranche 30’30 – 30’59 compte en 2019 71 français, son meilleur résultat depuis 16 ans mais elle en comptait déjà 70 en 2012 ou 2017.
A l’inverse, la tranche 32’00 à 32’29 compte 199 hommes en 2019 alors qu’elle n’avait pas fait mieux en 16 ans que 154 en 2016 (une hausse de 29% sur le précédent record d’effectifs).
Pour résumer en ce qui concerne les chronos français masculins, en exprimant les effectifs de chaque année en pourcentage par rapport à l’effectif moyen dans la période « 2004 – 2018 » on visualise nettement le gap pris par les chronos en 2019 (en orange).
Moins l’échantillon est performant moins l’écart est important mais plus les effectifs sont conséquents. Ainsi les écarts habituels entre 2004 et 2018 (en bleu) sont bien plus réduits à moindre niveau dans l’expression de l’effectif en pourcentage, ce qui se traduit sur le graphique par des points plus resserrés. L’écart-type des valeurs de 2004 à 2018 est de 0.177 pour le groupe « – de 30’ » alors qu’il est de 0.068 sur le groupe « – 34’ ».
Et les performances sur 10000 mètres piste alors ?
Retrouve-t-on cette progression ?
Observons les évolutions de performances sur 10 km et celles réalisées sur 10 000 mètres sur piste. Comme la distance est trop peu courue en France, il est nécessaire de prendre du recul et d’observer le phénomène au plan mondial.
Combien de coureurs sous des seuils chronométriques ; En prenant moins le seuil de 28 minutes on constate que 47 coureurs ont fait moins de 28’ sur 10 km route en 2019 à travers le monde alors qu’ils n’étaient que 33 en 2018. Dans le même temps sur la piste, on passe de 58 hommes en 2018 à 78 en 2019.
Si l’effectif de 47 sur route représente très largement un record, celui de 78 pistards ressemble à une année préolympique classique (ils étaient 78 en 2007, 73 en 2011, 79 en 2015). On observe donc clairement un effet pré « année olympique » très prononcé avec des pics d’effectifs performants lors de l’année des Jeux Olympique et celle la précédant.
Au-delà de la course des JO, ce sont davantage les densités des courses préalables et sélectives ou succédant directement aux Jeux (comme Bruxelles début septembre, 6 des 10 MPM en 2004 et 2012) qui forgent ce constat statistique.
A noter quand même une poussée en 2018 (déjà une année record) et 2019. La tendance pour 2020 (déjà 10 coureurs sous les 28’) laisse augurer d’un chiffre exceptionnel quand on sait que ces 9 viennent de la seule et même course et que les très nombreux 10 km de haut niveau sont encore à venir.
En abaissant le seuil à 30 minutes, on voit apparaître sur la route une rupture très nette entre 2019 et les années précédentes alors qu’on ne retrouve pas cette tendance sur la piste avec des années 2018 et 2019 qui se ressemblent fortement. Sur 10000 m piste, la tendance sur plusieurs années est à la hausse sans cassure nette.
Sur ce second focus, la période d’analyse est réduite car les données de World Athletics ne sont pas disponibles jusqu’à ce seuil chronométrique que depuis 2009.
En 2020, ils sont déjà 207 à avoir couru en moins de 30’ à la date du 20 février.
Comparaison des performances des 10 meilleurs performers par an
Devant la difficulté d’avoir des données exploitables avant 2009, il nous a semblé intéressant de regarder l’évolution chronométrique des meilleures performances (une seule par athlète) des 10 meilleurs coureurs sur la route et sur la piste depuis 1990.
Dans la figure 9, on observe un rapprochement des courbes de performances de la piste (ligne orange) et de la route (ligne bleue).
Pour la première fois depuis 1990, la moyenne chronométrique des 10 meilleures performances sur la route a été meilleure que celle de la piste (27’20 sur la route contre 27’22 sur la piste) lors de l’année 2018. On notera qu’en année paire non olympique 2018 a été la plus mauvaise année avec cette focale depuis 1992 avec une moyenne de 27’23 pour les 10 meilleurs performeurs.
Sur la route, 2018 constituait déjà un record statistique, amélioré en 2019. Il est dorénavant de 27’12.
En choisissant une focale sur les 100 meilleurs performeurs masculins par an on constate plus nettement l’effet « année olympique » sur la courbe orange de la piste et la chute de la moyenne chronométrique de la courbe bleue sur la route.
Le gain entre 2018 (déjà année record) et 2019 sur la route frôle les 10 secondes (9,78 secondes précisément, gain record d’une année sur l’autre) pour descendre pour la première fois sous les 28’ (27’58). Dans le même temps, la moyenne chronométrique progresse aussi sur la piste mais comme lors d’une année préolympique classique.
Avec une moyenne à 27’42, 2019 est plus dense que 2015 (27’44), mais moins que 2011 (27’40) ou 2007 (27’40). On notera la grande constance de cette valeur sur la piste qui est l’opposée à celle constatée sur la route.
Prolongement et commentaires par Jean Claude Vollmer
Qu’il se passe quelque chose sur la route est d’ailleurs facilement mesurable en regardant les chiffres entre les différentes disciplines de demi-fond, fond et sur route.
Nouveaux entrants dans les bilans mondiaux (50 premiers) par année | |||||||
Top 100 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019/20 | Total 2018/19 | ||
1500 m | 1 | 0 | 3 | 6 | 9 | ||
5000 m | 0 | 0 | 7 | 6 | 13 | ||
10000 m | 4 | 5 | 0 | 14 | 14 | ||
10 km | 2 | 3 | 8 | 22 | 31 | ||
Semi | 11 | 6 | 13 | 18 | 31 | ||
Marathon | 7 | 5 | 15 | 24 | 39 |
Si le 1500m, le 5000 m et le 10000 m piste présentent bon an mal an, en fonction des déroulements de course, des niveaux d’entrée dans le top 50 relativement homogènes, on voit clairement que sur 10 km route, semi-marathon et marathon il y a une véritable accélération sur les 2 dernières années qu’il est difficile d’expliquer autrement que par les éléments suivants :
- L’argent est sur les compétitions sur route et attire de plus en plus les meilleurs coureurs qui ne passent même plus par le cross ou la piste
- Les nouvelles chaussures qui boostent les performances.
Conclusions et perspectives :
L’ensemble de ces constats statistiques sur l’évolution des performances attestent clairement du virage pris par les performances sur route et plus particulièrement sur 10 km depuis 2019. Les records nationaux, continentaux et mondiaux sont battus sans discontinuité, les records personnels pleuvent avec une densité de coureurs sous les différents seuils chronométriques augmente de manière brutale aussi bien en France comme à l’étranger.
Le cru 10 km 2019, présente clairement un rapprochement des performances entre la route et la piste et au vu des premiers résultats sur route de ce début d’année, 2020 se présente comme un très grand cru sans pour autant que l’on sache quand s’arrêtera cette évolution qui chamboule les bilans à toutes les échelles.
On sait que l’argent est sur la route (qui a aussi l’avantage d’avoir moins de contrôles). Avec les dizaines, sinon les centaines de courses sur 10 km organisées chaque week-end à travers le monde, un processus quasi inéluctable est engagé dans une voie peu réjouissante : celle de voir les courses sur route vider de leur substantifique moëlle les épreuves de longues distances sur piste et siphonner les meilleurs sur piste pour les amener à la route. La décision de World Athletics de ne plus mettre 5000 m et 10000 m dans les meetings de la Diamond League ne peut que contribuer très négativement à cette situation dangereuse pour l’athlétisme mondial traditionnel et Olympique.
Cette décision a interpellé les observateurs et passionnés de demi-fond qui ne comprennent pas ce choix. Certains dirigeants voudraient-ils sortir les longues distances de la piste pour les amener sur la piste qu’ils ne s’y prendraient pas autrement !
Il ne serait donc guère surprenant de ne plus voir dans un futur proche le 10000 m sur piste dans les grands championnats (JO, Championnats du Monde ou continentaux) mais bel et bien sur route. Plus de spectacle, plus de concurrents, la possibilité d’y associer des milliers de coureurs et de coureuses et des dizaines de milliers de spectateurs.
Science-fiction ? On en reparlera !!
Cette explosion de résultats a aussi comme conséquence de (probablement) détourner beaucoup de coureurs du but premier : la réalisation de performances sur piste qui restent à ce jour des références comparables dans le temps, à l’aune desquelles on mesure le talent et la qualité d’un coureur à travers les années.
Le tableau suivant présente les performances des 30 meilleurs français tous temps sur 10000 m et 5000 m piste ainsi que leurs performances sur 10 km route.
10000m | MP 10 km | Ecart 10 km/10000 m | 5000 m | |
Martins | 27 :22.28 | 28 :42.0 | 1 :11.72 | 13 :14.47 |
Pantel | 27 :31.16 | 13 :17.71 | ||
Tahri | 27 :31.46 | 28 :52.0 | 13 :12.22 | |
Sghyr | 27 :33.20/ 27 :12.39 | 28 :36.0 | 1 : 23.61 | 12 :58.83 |
Zeroual | 27 :34.05 | 28 :24.0 | 49.95 | 13 :31.24 |
Prianon | 27 :34.38 | 13 :28.7 | ||
Amdouni | 27 :36.80 | 28 :58.0 | 1 :21.20 | 13 :14.19 |
Arpin | 27 :39.36 | 29 :18.0 | 1 :39.64 | 13 :22.03 |
Behar | 27 :42.67 | 28 :05.0 | 22.33 | 13 :13.33 |
Ezzher | 27 :43.69 | 28 :17.0 | 33.31 | 13 :13.20 |
El Himer | 27 :48.0 | 28 :13.0 | 25 | 13 :10.99 |
Levisse | 27 :50.30 | 29 :00.0 | 69.7 | 13 :32.56 |
Lahssini | 27 :50.73 | 28 :22.0 | 31.27 | 13 :12.37 |
Barrer | 27:55.93 | 13 :27.69 | ||
Essaid | 28 :01.70 | 28 :37.0 | 36.3 | 13 :02.15 |
Gomez | 28 :01.88 | 13 :39.9 | ||
Watrice | 28 :04.61 | 13 :27.58 | ||
Carvalho | 28 :06.78 | 28 :25.0 | 18,32 | 13 :27.76 |
Thomas | 28 :07.59 | 28 :56.0 | 58.51 | 13 :32.31 |
Meftah | 28 :12.83 | 28 :44.0 | 31.17 | |
Theuri | 28 :15.57 | 28 :18 :00 | 2,43 | |
Lucas | 28 :16.32 | 13 :32.42 | ||
Itsweire | 28 :16.52 | 13 :42.6 | ||
Bouster | 28 :16.64 | 13 :24.09 | ||
Benhari | 28 :18.89 | 28 :43 :00 | 24.11 | 13 :24.33 |
Rapisarda | 28 :19.13 | 13 :28.94 | ||
Tijou | 28 :19.2 | 13 :37.4 | ||
Rault | 28 :20.4 | 13 :38.6 | ||
46.16 sec |
Que peut-on apprendre de ce tableau ?
- Comme le 10 km route est une distance relativement récente, certains grands coureurs des années 70/80/90 n’ont jamais participé à des compétitions sur cette distance.
- Que les grands anciens qui ont couru sur route n’en ont sûrement pas fait un objectif central. Lorsqu’ils ont couru sur route et ils l’ont fait dans le cadre de leur préparation (donc hors saison compétitions piste et hors saison compétitions de cross) ou pour un cachet conséquent
- Qu’en procédant de cette manière, ils ne se sont surtout pas trompés de cible
- Le dernier constat est que tous les 30 possèdent un record sur piste qui meilleur que leur record sur route
Certains présentent un écart important entre leur performance sur piste et celle sur route . L’un écart moyen entre piste et route est de 46,2 secondes (écart type 28).
Si l’on observe maintenant les bilans français 2019/2020 sur 10000 m et 10 km et que l’on met les performances en perspective on constate qu’en 2019, seul Emmanuel Roudolf-Levisse rentre dans le top 50 des performers français tous temps sur 10000 m (à la 50 -ème place avec 28 :37.56) alors que si on observe le 10 km route sur la même période 2019 ( + le mois de janvier 2020) , il y a 12 (Wanders non pris en compte) nouveaux entrants dans le top 50 français tous temps (le 50 -ème est à 28 :58)
10 km avant | Record 10 km | MP 10000 m | 5000 m | 3000 m /3000 m ST | 1500 m | |
Gressier J. | 28 :12 (2018) | 27 :43 (2019) | 28 :44.17 (19) | 13 :24.04 (19) | 7 :48.54 i (20) | 3 :37.83 (19) |
Bedrani D. | 29 :08 (2018) | 27 :50.0 (2020) | 14 :21.8 (14) | 7 :41.70 i (20) /8 :05.23 | 3 :37.71 (19) | |
Schrub Y. | 29 :53 (2017) | 28 :25.0 (2019) | 29 :19.18 (18) | 13 :45.20 (18) | 7 :56.28 i (20) | |
Le Roy C. | 29 :05 (2019) | 28 :31 (2020) | 8 :33.03 (19) | |||
Habz A. | 29 :19.0 (2019) | 28 :32 (2019) | 30 :50.81 (17) | 13 :38.0 (19) | 7 :56.33 i (20) | 3 :38.01 (19) |
Choquert B. | 29 :30 (2016) | 28 :36.0 (2019) | 29 :08.28 (16) | 13 :53.49 (17) | 8 :05.88 (17) | |
Montoya R. | 29 :38 (2019) | 28 :37 (2020) | 14 :14.62 (19) | |||
Abdelmoula J. | 28 :39 (2019) | 14 :44.95 (17) | 8 :22.27 (18) | 3 :50.98 (16) | ||
Miellet A. | 30 :19(2017) | 28 :44 (2019) | 8 :07.65 (19) | 3 :34.23 (19) | ||
Urruty P. | 29 :20 (2016) | 28 :44(2020) | 29 :23.19 (13) | 14 :02.63 (15) | 8 :03.60 (15) | 3 :45.12 (09) |
Le Guen M. | 30 :53 (2019) | 28 :49 (2020) | 14 :14.63 (19) | 8 :25.92 (19) | 3 :50.43 (19) | |
Belhadj M. | 29 :41 (2018) | 28 :50 (2019) | 8 :11.94i (20) 8 :31.49 | 3 :38.11 (19) |
Tableau des performances des nouveaux entrants dans le Top 50 tous temps français sur 10 km route.
En mettant en perspective les chronos de ces 12 nouveaux entrants sur 10 km avec leurs performances sur 10000 m (pour ceux qui ont en possèdent une) on constate que leurs performances (à ce jour) sont meilleures chronométriquement sur 10 km route.
C’est tout à fait l’inverse de la situation antérieure à la saison 2019. On assiste à un retournement complet !
Si l’on compare ces performances à celles obtenues par les 30 premiers Tous Temps sur 10000 m on peut noter que la plupart de ces nouveaux entrants présentent sur 10 km des performances très nettement supérieures à celles d’anciens athlètes pourtant finalistes olympiques ou européens sur 10000 m ou à d’autres possédant un palmarès bien fourni !
L’analyse de leur registre de course (performances périphériques ou antérieures avec leur performance sur 10 km) montre qu’il y a très souvent une incohérence entre avant et après.
Epilogue
Une vision idyllique de la situation et des récentes performances nous amènerait à dire que le bilan français 2020 sur 10000 m devrait être sans précédent dans les annales. Si l’on appliquait sur la base des 30 premiers l’écart de 46,6 secondes (c’est une hypothèse) entre 10 km et 10 000 m on devrait avoir une bonne dizaine de coureurs français sous les 28’ au 10000 mètres.
Une vision moins optimiste consiste à penser (raisonnablement) qu’il est quand même peu probable que les bilans sur 10000 m piste soient aussi bouleversés que ceux sur 10 km route. On attend avec fébrilité les performances de cet été sur 10000 m et 5000 m sur piste pour connaître avec certitude la vraie valeur de nos français.
Car au vu de l’analyse des chiffres, on peut affirmer que quelle que soit la qualité des coureurs, l’effet chaussures semble incontestable.
Si les concurrents de Nike se mettent au diapason, c’est toute l’histoire des longues distances qui risque de se voir chambouler.
En attendant les Vaporfly Next % de Nike sont aujourd’hui clairement leaders du marché de la chaussure parmi les coureurs élite et en de ça. Houilles, Nice, Valence ne sont que des exemples parmi tant d’autres à travers la planète. Que des athlètes cherchant à performer sous contrat chez d’autres équipementiers (et ils sont de plus en plus nombreux) soient amenés à maquiller leur paire de chaussures et ainsi éviter la rupture de contrat montre bien la profondeur du malaise.
Les mesures prises à ce jour par World Athletics n’écartent aucune chaussure des pelotons. Les marques concurrentes se sont hâtées à réagir, pressées par ailleurs par le délai du 30 avril à partir duquel quatre mois devront s’écouler entre l’entrée en commercialisation libre et le port de la paire en compétition. Les nouveaux modèles à plaque de carbone se multiplient depuis quelques semaines. En attendant la commercialisation des Alphafly de la marque à la virgule est prévue le 29 février aux Etats-Unis, date des sélections américaines sur marathon.
Article écrit par Vincent Guyot, en collaboration avec Jean Claude Vollmer.
7 réactions à cet article
Bertrand Westphal
Bravo pour cette belle analyse bien plus sereine que celle qui faisait suite à la corrida de Houilles et qui, à propos des nouvelles chaussures, parlait – malencontreusement, me semble-t-il – de « dopage technologique » alors que toutes les marques finissent maintenant par évoluer dans la même direction.
Je me permets d’ajouter deux choses :
1) une nouvelle génération de coureurs de fond français est en train d’apparaître sur le devant de la scène (pour faire simple, ceux qui ont brillé lors des dernières éditions des Europe espoirs de cross, notamment) : il y a tout lieu de s’en féliciter et d’espérer qu’elle fasse des émules ;
2) pour ce qui est de l’avenir du 5000m et du 10000m : ne pas négliger le rôle des télévisions. Aujourd’hui la retransmission de ces deux courses sert le plus souvent de réservoir à pub. On a l’impression que les courses sur route sont davantage respectées (peut-être parce qu’elles ne souffrent pas de la concurrence directe d’épreuves comme le 100m pendant un meeting; peut-être parce que l’identification des spectateurs est plus immédiate). Notons par ailleurs qu’il n’y a que deux courses internationales de haut niveau cette année pour espérer faire les minima sur 10.000 pour Tokyo (Palo Alto, Londres), ce qui est dérisoire. Le 5000 est à peine mieux logé.
Djanny kina sielele
Époustouflé par la pertinence et l’éclectisme de votre article. Les conclusions sont claires. Néanmoins j’ai le sentiment que vos écris sont réservés au runner intello.
Un prochain article sur les courses de sprint possible ou uthopique ?
De passage
Intello ? Il suffit d’avoir le brevet des collèges ! Ce ne sont que des statistiques ultra basiques.
GUNTZ Michel
Étude très fouillée et fine qui est d’un bon éclairage.
J’y vois une erreur qui s est glissée dans vos conclusions et perspectives au 4ème paragraphe
Cela doit correspondre à une erreur d ecriture
En effet, vous indiquez :
« Cette décision a interpellé….
…certains dirigeants voudraient ils sortir les longues distances de la piste pour les amener sur la piste qu ils ne s’y prendraient pas autrement »
N’avez vous pas plutôt voulu dire :
…. »certains dirigeants voudraient ils sortir les longues distances de la piste pour les amener sur « la route » qu ils ne s’y prendraient pas autrement ». ???
Merci pour votre travail.
Cordialement.
Michel Guntz
VOLLMER Jean Claude
Bonjour
Vous avez raison , il y a une coquille qui sera corrigée.
Cdt
JCV
Q.Nemond
Bonjour très bel article, serait il possible de savoir comment avez vous trouvé l’effectif des coureurs français sous les 34’ sur 10km, existe t’il des sites avec toutes ses stats, ou avez vous fait un calcul approximatif.
Sportivement !
Vincent Guyot
Bonjour,
Toutes les données proviennent des Bilans disponibles sur « athle.fr ». Pour ce qui est du compte des coureurs sous les tranches chronométriques, j’ai utilisé l’option « Recherches Avancées » pour filtrer les coureurs de nationalité française. On peut ensuite faire défiler les pages sans limite, tout est référencé.
Il restait simplement les chronos réalisés sur des parcours jugés trop favorables à éliminer. Chaque coureur réalisant un chrono sur un pareil parcours se voit ajouter « (F) » à la suite de celui-ci, et son meilleur chrono sur un parcours conforme est tout de même référencé. Un peu de patience, un décompte manuel et une soustraction suffisent donc à déterminer un nombre fiable de coureurs sous un seuil chronométrique défini.
L’objectif étant simplement de comparer des populations aux caractéristiques similaires d’année en année (ici des coureurs français, sous les 34′, sur un parcours conforme).
Sportivement.