Après la déception de la Mythique (course annulée faute d’autorisation préfectorale, ndlr), je cherche de quoi assouvir mon besoin de défi personnel puisque mes congés sont posés. Je cherche un 24h et j’en trouve un par hasard dans le cadre de la No Finish Line Paris By Siemens (voir le compte-rendu de l’événement). 1 kilomètre parcouru = 1 euro reversé au profit d’associations en lien avec l’enfance. J’adhère d’emblée au concept et m’inscris aussitôt. L’inquiétude d’obtenir un dossard me guette même puisque seulement 100 dossards sont disponibles pour le 24h. Soulagement, les organisateurs veulent bien de moi trois semaines avant le jour J.
Un 24h ce n’est pas rien, j’y vais à la bonne franquette pour apprendre en vue des 24h de Ploeren en fin d’année qui ont lieu au profit du Téléthon. Comme me l’a indiqué ma copine Véronique Jehanno-Vally, multiple fois championne de France de 24h, le premier le but c’est de le finir ! Cependant j’ai cet objectif de faire au moins 200 kilomètres, je pense en avoir le potentiel… Ne pas se sous-estimer, mais ne pas se surestimer non plus. Y aller et après je ferai mieux au prochain je l’espère… En effet, je m’entraîne à l’instinct depuis quelques mois sans plan précis, sans VMA et là une fichue tendinite me titille au talon droit…
Au mois de mai, quelques dossards (marathon trail de Monterblanc, 10 kilomètres de Pluguffan, Foulées de Pullan, Trail de Guerlédan) et un creux entre chaque. Au moins j’arriverai frais… Cependant j’hésite à me rendre dans la capitale : je n’ai plus de douleur mais le risque de blessure est évident… Mes nuits du 26 et 27 sont mêmes perturbées par un réveil à 3h et 3h30 du matin pour une sonnerie programmée à 4h30 normalement… S’y rendre ou non ?
Je décide de me procurer une nouvelle chemise auprès du magasin indépendant Shangri-la. J’apprécie la propriétaire et ses vêtements fabriqués au Népal. Je lui demande comment est la situation là-bas suite aux séismes. C’est pire que je ne le pensais. Suite à cette entrevue, je sais que je vais me rendre au Champ de Mars pour soutenir la Croix Rouge Internationale et son projet au Népal comme je m’y étais engagé lors des inscriptions. Je devrais bien réussir à faire 100 kilomètres en une journée, quitte à marcher…Cela me fera des souvenirs et surement de belles rencontres. Après tout, ce sont mes vacances…
Vendredi après-midi, je dors le plus possible. De même pendant tout le trajet en covoiturage. A 4h, le couple de chauffeurs me dépose à proximité de la place de l’Etoile. Mon départ est prévu à 10h et j’ignore où je vais dormir. Je rentre dans le village provisoire et trouve sous une tente des lits de camp. Je m’allonge et dort. Tout est parfait. J’ouvre les yeux vers 6h30 et désire un dossard. Trop tôt, je sympathise donc avec les bénévoles en place. Mon petit déjeuner est composé de bananes, petits gâteaux de semoule et riz. Je me prépare avec une boule au ventre.
Enfin le départ, je ne gamberge plus et me lance. Je songe aux 200, à l’argent que cela représente pour les bénéficiaires. J’avance à un peu plus de 10 à l’heure comme je l’ai prévu. Les premières heures : frein à main, frein à main et encore frein à main ! Toujours aux sensations. Dès lors, quand mon GPS s’éteint faute d’autonomie, je me contente de le ranger. Les tours défilent et je me sens bien. Si ce n’est les quadri qui durcissent de plus en plus. Le dénivelé du week-end précédent s’incruste en moi !
« Avant de vouloir performer il faut tout d’abord pouvoir durer »
Je décide donc de me faire retaper par les kinés en même pas 30 minutes. J’en ai même profité pour roupiller en express pendant que l’on me massait une jambe. Nous sommes autour du 85ème km. Je suis dans les temps pour les 200. Ma logique est simplissime : avant de vouloir performer il faut tout d’abord pouvoir durer. Sur 24h c’est un peu une course par élimination…
Je redémarre comme neuf. Bing ! Je n’ai pas songé aux cailloux, poussières et autres particularités propres au parcours. Je n’ai même pas préparé mes pieds. Je cherche désespérément une crème anti frottement à l’infirmerie. Tant pis, je poursuis… Vers le 110ème km, les ampoules commencent sérieusement à me gêner. Je me fais soigner pendant 15 minutes par la Croix Rouge. Je redécouvre ensuite l’ambiance des insomniaques qui affrontent la nuit. Seuls quelques ultrafondus unis autour une même cause perturbent l’obscurité. A deux reprises je manque de tomber sur des racines. A quoi tient un 24h ? Pas grand-chose, c’est un exercice de funambule en plein air.
Je m’attends à un coup de massue classique vers la 15ème/16ème heure. Hélas, vers minuit vingt déjà je n’avance plus. Les 200 sont toujours à ma portée, j’entreprends donc un somme de 20 minutes. Salutaire. Puis de nouveau, tenir et faire le plus de pas possible. Je suis loin du Sparthatlon et ses 216 kilomètres requis pour être qualifié … Je ne désespère pas, après tout ce n’est que mon premier 24 heures !
Le cadre idyllique s’estompe au fur et à mesure pour faire place à mon défi. Je suis un coureur en mode automatique. Plus que 6h, 5h … L’horreur s’abat sur moi, mon souffle si facile devient dur à trouver et je lutte à présent pour continuer. Les 1 400 m du circuit semblent parfois interminables. Je fais le dos rond. Avancer et laisser passer l’orage! Avec le jour, mon moral regrimpe. Je pense être le premier et je veux être représentatif de l’événement. Mon mollet droit me fait de plus en plus mal comme si on l’avait pincé.
Soudain, un tour magique : mon dernier ! J’ai dépassé légèrement les 200 (vainqueur de l’épreuve avec 200.816 km parcourus, ndlr), dans l’anonymat absolu. Je signe là ma seconde victoire après celle des 3 heures d’Hennebont. Je voulais tutoyer les 200, c’est donc une agréable surprise. Je vais ensuite me faire dorloter auprès de la Croix Rouge.
C’est par conviction que j’ai adhéré au projet No Finish Line, pas pour me faire mousser ou autre chose. Par le passé déjà j’ai pu faire deux fois le tour du Finistère en courant au profit de l’association Leucémie Espoir. J’ai cette chance d’être en bonne santé, même si là les kinés ont dû faire preuve de patience pour atténuer mes bobos temporaires. Je n’ai aucune prétention, je sors de mon périple confiant pour la suite qui a su comme je le souhaitais me faire vibrer sportivement et humainement.
Par Yann Stephan