Au coeur des 100 km de Millau (12), le 27 septembre 214

100 kilomètres de Millau : une passion sans bornes !

François-Xavier Gaudas, ultra-runner depuis trois ans, nous raconte son deuxième 100 km de Millau.

Millau 2014

Nouvelle édition du 100 bornes le plus mythique de France ce samedi 27 septembre 2014, la 43ème, avec son double passage sous le viaduc, un moment qui m’avait déjà marqué il y a trois ans.

Le départ se fait en cortège depuis le bien-nommé parc de la Victoire et comme d’habitude la course a fait le plein avec 1637 participants exactement. Les conditions sont excellentes, temps frais (environ 12°) avec des pointes à 25° prévues pour l’après-midi. Cela va chauffer très vite sur le bitume mais cela pourrait être pire !

Je suis bien préparé mais j’ai un peu d’appréhension, il s’agit de ma première course de plus de 43 km depuis un an et demi après une blessure au dos (hernie discale) qui a nécessité plus de 8 mois de repos et autant de mois de reprise. Un ami est venu avec moi comme suiveur, Maxime, qui court un semi ou un marathon de temps en temps avec moi depuis deux ans maintenant. Sa présence me rassure à la fois psychologiquement et physiquement car je sais qu’il sera là pour me soulager dans les moments les plus compliqués. Énormément de gens ont d’ailleurs un suiveur, c’est un des plus de cette course que j’apprécie le plus. Le cortège des vélos part devant nous, nous les retrouverons au 7ème km, à Aguessac.

Ô soleil Millau…

N’ayant plus de repères sur la distance, je pars prudemment en compagnie d’un bon grupetto de plusieurs dizaines de coureurs et marcheurs à allure rapide. Ça rigole avec un accent chantant aveyronnais dans les rangs et tout le monde a l’air de se connaître. La moyenne d’âge est également assez élevée (aux alentours de 50 ans) mais cela ne me surprend pas plus que cela, c’est une distance de baroudeur ! Certains « papys » forcent en tout cas le respect rien qu’à leur présence sur la ligne de départ car j’en soupçonne quelques-uns de dépasser les 70 ans…

Le temps est toujours clément quand nous arrivons à Aguessac pour récupérer nos suiveurs, Maxime me taquine en me faisant remarquer que les premiers sont passés il y a plus de vingt minutes, cela me fait sourire. Les sensations sont très bonnes et les paysages environnants vous font lever la tête en permanence. Petits villages perchés, grands bosquets et plaines qui s’étalent à perte de vue… c’est simplement magnifique on se croirait sur un trail ! Mes quadriceps me rappellent vite que Millau reste une course uniquement sur asphalte et que celle-ci chauffe très vite. Il faut penser à bien s’hydrater toutes les dix minutes sous peine de le payer très vite assez cher.

Au fur et à mesure que le peloton s’étire, nous finissons par tomber entre le meneur d’allure des 13h et celui des 14h, pile dans notre objectif. Nous ne bougeons donc pas. Nous traversons plusieurs petits villages à bon rythme, Rivière-sur-Tarn, Boyne, Le Rozier, Peyreleau et la première « tuile » arrive aux alentours du 35ème km. Je ne vais pas très vite mais la chaleur me cogne vraiment fort sur la tête et ne pas mettre ma visière tout de suite a été une erreur. Les derniers kilomètres jusqu’à la fin de la première boucle à Millau sont assez pénibles et je marche les deux derniers kilomètres pour récupérer. Après une bonne pause de dix minutes, nous repartons rafraîchis et visière bien vissée sur le crâne ! Le chrono est bon : 5h16mn, il faut continuer à bien gérer comme ça.

De Millau à Saint-Affrique

La deuxième boucle du parcours marque le début des choses sérieuses : quatre côtes de 2 (celle du viaduc) à 6 kilomètres (celle de Tiergues) nous y attendent, en aller-retour, et elles sont tout sauf une partie de plaisir avec leur exposition en plein soleil et leur pourcentage élevé pour une altitude aussi basse (8% d’inclinaison). Il est plus de 16h de l’après-midi quand nous entamons la première et nous ne sommes pas les seuls à subir ce moment charnière de la course. Une bonne dizaine de coureurs sont autour de nous et tous montent dans un silence total, concentrés sur leur respiration et leur hydratation. Une femme aveugle et son accompagnateur reçoivent des encouragements de tous et une fois en haut, nous tombons sur un groupe de coureurs allongés dans l’herbe, en train de profiter des deux mètres d’ombre que procure le viaduc… L’édifice mérite que l’on s’y attarde, avec ses 343m, il est plus haut que la Tour Eiffel ! Mais aussi tentant que soit ce petit moment de détente nous ne nous attardons pas et entamons la descente.

Millau 2014C’est le moment de profiter un peu du moment en prenant des photos et en anticipant les futurs arrêts. Après une dernière bonne pause fraîcheur au 55ème km, juste après Saint Georges de Luzençon, où le yaourt à boire vous fait l’effet d’un grand cru après plus de six heures à ne boire que de l’eau, c’est le début des vraies difficultés. La côte de Tiergues est interminable, avec 8 km de faux plat montant très casse-pattes pour y accéder. Je dois ici parler du rôle de mon suiveur qui a été tout simplement fantastique dans la gestion de cette partie de la course. En me soulageant de mon sac et en veillant à ce que je m’hydrate bien même dans les moments où la chaleur me donnait la nausée, il a fait en sorte que l’on ne lâche pas une seconde sur ce chrono sous les 14h qui était notre objectif. Son mp3 m’a également été d’une aide précieuse et nous avons monté cette côte de manière régulière et plutôt rapide par rapport au reste du groupe présent avec nous car nous n’avons fait que doubler. La descente a paradoxalement été compliquée à gérer, elle. La forte inclinaison fait que les quadriceps prennent de très gros chocs à chaque impact et l’on commence à voir les premiers signes de vraie fatigue dans les rangs. Heureusement, la beauté des paysages et le soleil couchant permettent de se changer les idées. Une fois passé le panneau Saint-Affrique et le gymnase avec le ravitaillement du 71ème km rejoint, nous nous accordons une longue pause avec Maxime.

Le saucisson et le fromage pour se donner des forces !

Nous l’avions prévue depuis notre sortie longue d’avant-course il y a deux semaines et bien nous en a pris : tenue de rechange, saucisson et fromage de pays achetés la veille au village course, étirements, quelques minutes allongés et nous voilà comme neuf ! Quand nous ressortons, nous sommes toujours dans les temps de notre objectif (9h45) et la température a chuté de 10 degrés ! Quelques mètres pour se remettre en jambes, un aller-retour express dans le gymnase pour récupérer mon dossard oublié par terre et nous attaquons enfin la dernière partie de la course.

Je crois que c’est celle qui plaît le plus aux coureurs. Dans mon cas, la nuit marque souvent un regain de forme sur ce genre de distances. L’ambiance est tout simplement incroyable, pas un bruit sinon celui de la nature (cris d’animaux, bruissement des feuilles) et des pas des coureurs, des petits points lumineux de frontales partout, un ciel étoilé comme n’importe quel parisien rêverait d’en voir chaque soir… C’est ça qui fait la force de ce 100 km, le souvenir impérissable qu’il laisse à ses participants. Malgré la chaleur, le froid la nuit tombée et ces maudites côtes qui vous massacrent les articulations. Je suis dans ma bulle, tout va bien, il faut marcher en côtes, courir sur le plat, tenir en descente, jusqu’à l’arrivée, inlassablement. Je profite de cette longue partie en marche pour lire quelques messages de mes proches et leur faire un nouveau point sur la course pour les rassurer.

La dernière montée arrive enfin, avec Maxime nous regardons le chrono et l’objectif est clairement à portée de « foulée ». C’est pourtant là que la course devient la plus dure parce que le froid vous atteint malgré les vêtements secs, parce que la nuit noire vous empêche d’évaluer correctement la distance qui vous sépare du viaduc, parce que vous n’avez pas mangé depuis 1h30 à trop vous concentrer sur la foulée. Deuxième erreur de course mais après avoir mordu dans une barre et m’être assis quelques minutes au milieu de la côte (non sans recevoir des encouragements de la part d’autres participants nous dépassant) je peux la finir correctement.

Les derniers kilomètres, tout se bouscule dans la tête

Arrive le 95ème kilomètre, je propose que l’on s’arrête pour goûter la fameuse ‘’souplette’’ des bénévoles qui m’avait sauvé la vie il y a 3 ans. Aussi bonne que dans mes souvenirs, elle nous réchauffe et recharge bien nos batteries. Je demande à un autre coureur de bien vouloir prendre une photo de Maxime trinquant avec moi et nous repartons très vite pour ne pas perdre de temps.

« Plus que 5, plus que 4, plus que 3… », il devient de plus en plus dur de courir la tête vide, on compte les pas, les respirations, on maudit le panneau du prochain kilomètre qui n’arrive pas et puis, ça y est, enfin arrive celui du 99ème. Avec Maxime nous nous arrêtons pour une photo et d’autres nous imitent, on partage ce moment avec eux et c’est l’occasion de finir tranquillement, savourer. Le dernier kilomètre -en marchant- passe au final très très vite, je repense à ma blessure, à ces moments de doute que j’ai eu pendant la préparation, au moment où j’ai pour la première fois parlé à Maxime de m’accompagner… beaucoup de choses positives vous passent par la tête. Je me remets à courir les dernières centaines de mètres dans le parc de la Victoire et exulte sur la ligne d’arrivée. 13h45mn46s de bonheur avec mon pote qui me prend dans ses bras, et puis les embrassades de tous ces gens autour de nous que nous ne connaissons pas mais qui ont vécu comme nous cette aventure. Bravo aux 1238 autres finishers et à très vite pour une troisième !

Les photos

 

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